La Côte d’Ivoire veut être auto-suffisante en poisson. Pour ce faire, le Premier ministre Patrick Achi et son gouvernement ont lancé le Programme Stratégique de Transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire (PSTACI). C’était le 1er août 2022 à Bouaké. Le Ministre des Ressources Animales et Halieutiques, Sidi Tiémoko Touré explique, dans cet entretien, ce qu’il en est exactement.
Le lundi 1er août 2022 à Bouaké, a eu lieu le lancement du Programme Stratégique de Transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire (PSTACI) par le Premier ministre Patrick Achi ? De quoi s’agit-il ?
Le Programme Stratégique de Transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire, ci-après dénommé « PSTACI » est créé dans le cadre de la mise en œuvre du programme « Côte d’Ivoire Solidarité » en lien avec la Politique Nationale de Développement de l’Élevage, de la Pêche et de l’Aquaculture (PONADEPA 2022-2026). La production halieutique ivoirienne est insuffisante pour couvrir la demande nationale qui s’accroît très rapidement depuis 2012. En 2017, les importations représentaient 90% de la consommation nationale. En 2018, le volume des importations était estimé à 500 000 tonnes. Cette dépendance se traduit, en 2021, par des chiffres éloquents et frustrants : environ 14% seulement de nos besoins en produits halieutiques sont couverts par la production nationale.
Tandis que 86 % des besoins sont importés, soit plus de 50,76 milliards de sortie de devises. L’aquaculture apparaît dans ce contexte comme un levier important pour combler ce déficit qui ne reflète nullement l’important potentiel dont recèle le pays. Au niveau mondial, l’activité connaît un taux de croissance très élevé. La mise en œuvre du PSTACI devrait permettre à notre pays de produire environ 500 mille tonnes de poisson à l’horizon 2030, avec une chaine de valeur estimée à environ 825 milliards de FCFA. De façon à réduire significativement la dépendance extérieure en protéines halieutiques.
La mise en place d’un tel projet nécessite une chaîne de valeur compétitive. Alors qu’en est-il du PSTACI ?
Bien évidemment. Le PSTACI vise à mettre en place les bases d’une industrie aquacole nationale performante et compétitive à travers deux (2) projets. Dont le projet de Transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire et le Projet de Vulgarisation des Acquis du Projet de Transformation de l’Aquaculture en Côte d’Ivoire et de Mise en place des bases de l’industrialisation aquacole. La bonne mise en œuvre du programme permettra d’amorcer le développement futur de PME et de Grandes Entreprises capables, non seulement, de satisfaire la demande nationale, mais également, d’envisager l’export pour lequel les besoins mondiaux sont de plus en plus croissants. Il permettra aussi de stimuler l’investissement dans le secteur aquacole.
Quelles sont les objectifs et principes de ce projet ?
Le PSTACI vise à faire du secteur aquacole un instrument majeur de croissance économique, de lutte contre la pauvreté, de sécurité alimentaire et de création d’emplois. Ce programme porte plus spécifiquement sur le développement accéléré d’un écosystème aquacole intégré et propice à l’activité entrepreneuriale et à l’accroissement des investissements privés, par la levée des obstacles sur l’ensemble de la chaîne de valeur. De façon spécifique, il a pour objectif de stimuler l’investissement dans le secteur aquacole en s’appuyant en priorité sur plusieurs actions. Notamment, la mise en place de mesures d’incitations sur les intrants et équipements aquacoles, la mise en œuvre d’expériences de démonstration de modèles techniques de fermes productives et rentables, d’une part. D’autre part, l’objectif du PSTACI va consister en la mise en place d’un cadre institutionnel pérenne et efficient d’assistance aux investisseurs privés. Puis, à la mise en place de règlementations et la réalisation d’investissements de base pour booster l’attractivité de l’activité aquacole pour déboucher sur la conception et le développement de modèles de partenariats publics/privés viables et durables. Un autre aspect du programme, c’est la formation de compétences dans les spécialités aquacoles dans les secteurs publics et privés. Les résultats du PSTACI seront atteints à travers la mise en place de modèles de production et de centres d’alevinage pour l’appui au développement d’entreprises viables de la chaîne de valeur aquacole à travers la création d’infrastructures sur les sites pilotes à savoir : des écloseries, des étangs, l’installation de plusieurs centaines de cages flottantes sur les plans d’eau, lesquels contribueront à produire des alevins en masse.
Quelle est la durée du PSTACI et en quoi la première phase ?
Les activités du PSTACI ont une durée de 5 ans renouvelable une fois. La mise en œuvre de cette première phase du programme se fera avec l’accompagnement d’experts malaisiens qui travaillent en parfaite symbiose avec nos experts nationaux en matière d’aquaculture. Par ailleurs, un programme de formation des acteurs des secteurs publics et privés se déroulera sur des périodes déterminées, de sorte à faire bénéficier à un plus grand nombre, les technologies aquacoles les mieux appropriées pour notre pays. La bonne implémentation de cette phase pilote servira dans un futur proche à la vulgarisation sur l’ensemble du pays, de tous les acquis.
Vous avez évoqué, plus haut, la mise en place de centres d’alevinages. Pouvez-vous en dire plus ?
Les centres d’alevinage sont des sites dédiés à la formation et à l’accompagnement des entrepreneurs de la chaîne de valeur aquacole des zones halieutiques de leur implantation. A cet effet, environ 2 millions d’alevins ont déjà été produits pour le compte du PSTACI à la station de recherche sur la pêche et l’aquaculture continentales du Centre National de Recherche Agronomique (CNRA) de Bouaké. Pour la mise en œuvre des activités de démonstration du programme, trois (3) premiers sites ont été retenus comme centres d’alevinage à savoir : la station piscicole de la Loka dans le département de Botro, dans la région de Gbèkè, sur l’axe Bouaké – Béoumi ; l’école de spécialisation en pisciculture et pêche continentale (ESPPEC) de Koubi dans la Commune de Tiebissou, et enfin, le site du Centre de Recherche Océanologique (CRO) dans le Département de Grand Lahou sur l’axe Grand Lahou – Braffedon, à proximité de l’embouchure sur une zone de confluence fluvio-lagunaire.
Quels sont les avantages du PSTACI et quels sont ses produits et résultats attendus à terme ?
Les avantages du PSTACI sont multiples. Ils vont de l’appropriation de sa mise en œuvre par toutes les parties prenantes à la mise à niveau des fonctions essentielles des organismes publics en matière de recherches, de conseils et de financements. Il est aussi question de professionnalisation des acteurs de la chaine de valeurs aquacoles. La réalisation de productions maximisées accessibles à la majorité des populations et de coûts de productions minimisés. Ce programme vise surtout la création d’emplois pour les populations en milieu rural en ciblant les jeunes et les femmes, par la mise en place de modèles de production bio sécurisés et générateurs de revenus. Le PSTACI va favoriser la mise en place d’espaces uniques de fourniture de services à l’investisseur aquacole et de partenariat public/privé fructueux. Ce programme soutient la réalisation des objectifs de notre Politique Nationale qui vise l’émergence d’une aquaculture dynamique, animée par de véritables entrepreneurs et capable de contribuer à la réduction de la dépendance aux importations et aussi contribuera à la réalisation de l’objectif de 150.000 tonnes de poissons à l’horizon 2026.
Avant le PSTACI, vous avez lancé aussi un plan de Relance de la Production Piscicole Continentale (PREPICO 2). En quoi consiste cet autre projet et quels pourraient être les retombées ?
Cet autre projet s’inscrit dans la droite ligne de notre plan stratégique sur la période 2022-2026, qui ambitionne de produire, à terme 150 000 tonnes de poissons à travers la mise en place de projets aquacoles et avec l’appui des partenaires techniques et financiers tels que le Japon, à travers la JICA. Le PREPICO 2 vise à contribuer au développement de la pisciculture continentale à travers l’approche orientée vers le marché avec l’augmentation de la quantité de la vente de poisson et du revenu des acteurs de la chaine de valeur. C’est un projet destiné aux coopératives aquacoles qui leur permettra d’améliorer la commercialisation du poisson de pisciculture. Il sera déployé dans les régions des Grands Ponts, de l’Agneby-Tiassa, de l’Indénié-Djuablin, du Sud Comoé, de la Mé et du District d’Abidjan. Le PREPICO est un programme complémentaire au PSTACI. Les deux visent à octroyer à la Côte d’Ivoire son indépendance en production aquacole. A travers ces deux programmes, nous maximisons nos expériences tant avec le Japon qu’avec la Malaisie. Et c’est notre pays qui en sort gagnant.
Serge NDRIN (source : Le Patriote du 16 août 2022)