C’est avec une très grande surprise que nous avons appris, à travers les médias, la demande de pardon formulée par Blaise Compaoré, ancien président du Faso, à la famille de Thomas Sankara, son ancien compagnon, » son ami et frère « . Disons, enfin ! Car, après tant d’années de travestissement de l’histoire de cette amitié et fraternité qui a fini dans le sang, par l’assassinat de Sankara, un début d’aveu et de l’ignoble acte posé par Blaise, se dessine, timidement.
Malgré ce qui peut être considéré comme une avancée notable sur la recherche de la vérité dans cette sordide histoire, nous sommes en droit de nous poser des questions sur la sincérité de cette démarche. S’agit-il d’un acte sincère ou d’une repentance portée par la peur du jugement dernier, au moment où, comme le disent certaines langues, Blaise est rongé par la maladie et se sentirait très proche de sa fin?
Mais quelles que soient les raisons, Blaise a décidé de demander pardon, ou poussé à le faire. Pardon d’abord et surtout à la famille de Thomas Sankara, et, ensuite à tous les Burkinabè et à tous ceux et toutes celles à qui il a causé des torts durant son long magistère.
L’attente d’un tel geste fut longue, très longue même, mais, il est généralement admis que l’idée de demander pardon peut faire peur, et même paralyser. Peur de perdre la face. Peur de passer pour quelqu’un en de faible ou de s’humilier en reconnaissant ses torts.
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Et pourtant, malgré toutes ces entraves psychologiques et émotionnelles, Blaise a décidé de demander pardon. Il était temps ! Pourrait-on dire. Demander pardon, c’est rétablir un lien rompu. Et pour y parvenir, les excuses doivent être présentées sur un ton émotionnel juste, de tristesse, de chagrin ou de honte dénuée d’orgueil.
Or, la demande de Blaise s’est faite à travers une lettre. Un courrier transmis par des mains étrangères, et lu par une personne autre que lui-même. Dès lors, il difficile de déceler sur le visage de ce lecteur une quelconque émotion ou un des sentiments que nous avons évoqués plus haut.
Thomas Gatabazi, penseur Rwandais, ne nous enseigne pas autre chose quand il dit : « Méfiez-vous du vocabulaire utilisé pour demander pardon. Mais, contentez-vous de l’attitude imprégnée d’humilité « . Nulle part, nous ne ressentons cette impression d’humilité de la part de Blaise Compaoré.
La demande, elle-même, ne précise ni les causes, ni les raisons de la demande de pardon. Or, une demande sincère de pardon, doit décrire clairement et précisément les fautes commises dans un langage objectif et descriptif. C’est à cette condition que la personne blessée pourra être d’accord sur le fait que les fautes ont été bien décrites pour que les excuses soient acceptées.
Malheureusement, dans le cas de l’ex président du Faso, abstraction a été faite des fautes commises. Ce qui nous laisse interrogateur et nous fait dire comme Voltaire que » les soldats se mettent à genoux quand ils tirent : apparemment pour demander pardon du meurtre « . Le pardon de Blaise s’y apparente fortement…
Henri César SAMA DAMALAN
Éditorialiste
Ex Capitaine de Vaisseau Major (Marine nationale de Côte d’Ivoire)
Ancien ministre de la communication