A la faveur de la crise actuelle au Liban marquée par les hostilités entre Israël et le mouvement Hezbollah, le Liban et plus principalement sa capitale Beyrouth est constamment bombardée par l’armée israélienne. Celle-ci dit ne viser que les positions du Hezbollah. Mais, les faits montrent qu’elle bombarde de façon indiscriminée. Beyrouth et plusieurs régions sont sous le feu de l’aviation et de l’artillerie israélienne. L’armée israélienne a engagé des chars, des combats terrestres ont lieu, bref ; c’est une guerre de haute intensité.
Ainsi, les Libanais fuient leur pays. Ce qui est une réaction normale. Sur les réseaux sociaux et dans les médias ivoiriens, beaucoup se sont alarmés de voir les Libanais débarquer en masse dans le pays. Abritant la première communauté libanaise d’Afrique, la Côte d’Ivoire doit être en toute logique l’une des destinations les plus en vue en Afrique pour les Libanais fuyant la guerre chez eux. Des appels se sont fait entendre dans la presse et sur les réseaux sociaux pour demander aux autorités ivoiriennes d’enrayer cet « afflux ». Et malheureusement, le gouvernement ivoirien semble aller dans ce sens. On a récemment appris (chiffres à l’appui), que l’ambassade ivoirienne à Beyrouth ne délivre quasiment plus de visas aux libanais depuis le début des hostilités. D’autres chiffres montrent que ceux-ci semblent s’être déroutés vers le Sénégal, qui est aujourd’hui devenu leur terre d’accueil.
C’est triste que certains en Côte d’Ivoire adoptent une telle attitude. Ils semblent avoir la mémoire courte. Il n’y a pas si longtemps, le pays n’était certes pas bombardé par un ennemi extérieur, mais les Ivoiriens se bombardaient entre eux. Le pays connaissait, lui aussi, un conflit. Et beaucoup l’ont quitté (l’ont fui pour employer un terme plus prosaïque), pour se réfugier là où ils le pouvaient. La majorité de la population s’est réfugiée dans les pays de la sous-région. Mais beaucoup ont trouvé également refuge en Afrique Centrale, en Occident (Europe, Usa, Canada), et dans certains pays du Golfe. Leur a-t-on fermé la porte ? Alors pourquoi fermer la porte aux autres ? Pourquoi refuser les visas aux Libanais qui fuient la guerre chez eux ? La Côte d’Ivoire a toujours été une terre d’accueil pour tous. C’est quelque chose qui est profondément ancrée dans son adn. Elle a toujours été une terre de refuge pour les Libanais, les autorités actuelles devraient s’en souvenir, et ne pas se plier aux diktats des réseaux sociaux.
Sur un plan purement économique, lorsqu’ils débarquent dans le pays, les Libanais sont à la charge de ceux qui sont déjà installés ici, ils ne sont pas pris en compte par l’Etat ivoirien, comme le sont les réfugiés des pays sahéliens dans la région de Ferké et de Bouna où la CI a dû débourser de l’argent pour construire des camps de réfugiés. Les libanais (au sens large, c’est-à-dire les arabes en général) sont ceux qui investissent le plus dans le pays. C’est simple à vérifier lorsqu’on se rend dans nos différentes zones industrielles. Ce sont eux qui fournissent l’emploi aux jeunes, dans le secteur industriel, et dans le commerce. Le secteur des employés de maison est un secteur florissant en partie grâce aux Libanais qui emploient trois à quatre filles dans leur demeure, contrairement aux ménages ivoiriens qui n’emploient qu’une seule jeune fille qu’ils surexploitent. La Côte d’Ivoire gagne à recevoir ces populations.
Aujourd’hui sur le plan de la construction, ce sont également les Libanais qui alimentent le dynamisme actuel. Tous les immeubles de douze niveaux et plus qui se construisent dans la zone de Biétry-zone4, et de Marcory résidentiel, résultent de leurs investissements. « Ryiad City » est, à ce jour, la plus grande opération immobilière en Côte d’Ivoire. Cet investissement de plus de 200 milliards de FCFA, dans la zone de Bingerville, résulte d’un partenariat avec des investisseurs arabes (Saoudiens, Libanais …..). C’est une véritable ville en construction avec le plus grand mall d’Afrique de l’Ouest. On peut multiplier les exemples qui montrent que ce sont les Libanais qui font l’activité aujourd’hui.
Tout cela n’a été possible que parce que l’émigration libanaise (au sens large) a été favorisée dans ce pays. Déjà à la fin des années 70 et au début des années 80, lorsque la guerre faisait rage au Liban, le président Houphouët leur a grandement ouvert la porte. Aujourd’hui beaucoup sont intégrés. C’est assez surprenant que ce ne soit pas un pays du Maghreb qui accueille la première communauté libanaise d’Afrique, mais la Côte d’Ivoire. Il faut maintenir ce cap. La Côte d’Ivoire doit demeurer une terre d’exil, d’asile et d’accueil pour tous.
Douglas Mountain