C’est le branle-bas de combat. La Côte d’Ivoire assiste, tambour battant, à de nombreuses arrestations de prétendus dealers ou trafiquants de drogue de nationalité ivoirienne, libanaise, espagnole et colombienne. Il s’agit d’hommes d’affaires, d’officiers de police, des directeurs de société.
Le commandant supérieur de la Gendarmerie nationale veut aussi s’inscrire dans cette mouvance et est entré dans la danse.
Le vendredi 3 juin 2022, le général Apalo Touré a annoncé que des tests de dépistage de drogue seront organisés dans les écoles de Toroguhé (commune de Daloa) et d’Abidjan afin de soustraire les drogués et anciens drogués des effectifs des élèves sous-officiers, à l’exclusion, semble-t-il, des élèves officiers.
Et alors l’interrogation, la même, revient sur toutes les lèvres: la procédure va-t-elle aller à son terme ou l’État donne-t-il des os à ronger pour faire diversion!?
En 2021, en effet, suite aux audits diligentés, la Côte d’Ivoire a été témoin d’une vague de suspension et de limogeage de directeurs généraux d’entreprises étatiques, tous ou presque cadres du RHDP, le parti au pouvoir.
Et bien que Alassane Ouattara ait décrété 2022, année de la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance, ces affaires, qui ne sont plus à l’ordre du jour, semblent avoir été classées.
Le 25 novembre 2021, la jeunesse du RHDP est montée au créneau pour se désolidariser de l’action gouvernementale de salut public. Elle a appelé à la solidarité militante autour de ces directeurs livrés à la vindicte populaire.
« Dès lors, s’élevait Dah Sansan Tilkouété, président de cette jeunesse, la protection des cadres du RHDP par le parti se présente comme une exigence, une nécessité; le parti devant être le refuge de ses cadres ».
Donc, le mot d’ordre doit être « à bas l’opération ‘Mains propres ». Le message est d’autant entendu au plus haut niveau de l’État que personne n’est poursuivi pour malversations et prévarications.
Et nul ne peut, par conséquent, mettre sa main aux feux pour le sort qui sera réservé aux présumés dealers arrêtés. Un article de presse, en juin 2020, avait levé le lièvre en présentant la Côte d’Ivoire comme un pays en voie de colombisation et un ministre d’État, nommément cité comme un « grand trafiquant de cocaïne ».
L’État n’a pas bougé le moindre doigt. Or, le pays s’est doté, depuis 2020, d’un outil dans le dispositif répressif judiciaire: le Pôle pénal économique et financier pour, officiellement, traquer les détourneurs de deniers publics et démanteler les réseaux mafieux.
Créé par décret n° 2020-124 du 29 janvier 2020 et appuyé notamment par la Direction de la Police des stupéfiants et des drogues (DPSD), ce Pôle est devenu, par la loi adoptée le 31 janvier 2022 à l’Assemblée nationale, un organe juridictionnel de première instance à l’effet de nettoyer les écuries d’Augias.
Mais il a du plomb dans l’aile. Alors qu’il est fermement attendu pour joindre l’acte à la parole, le Pôle reste bien silencieux sur tous ces sujets brûlants.
Relevant, pourtant, de sa compétence, ces dossiers fumants de corruption aggravée et de trafic de drogue à grande échelle mettent à mal une crédibilité du pays déjà entamée.
F. M. Bally