Le Franc CFA a été créé en 1945 sous le nom de Franc des Colonies Françaises. Après 1958, l’émission de cette monnaie est conférée, à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) dont le Directeur et la majorité des cadres sont nommés par la France.
Après les indépendances, la France demande à ses colonies de confirmer ou non leur appartenance à la zone franc et s’ils gardent ou non une monnaie commune le franc CFA. Deux questions dont les réponses allaient déterminer l’avenir desdites colonies.
Les dirigeants au vu de leurs économies qui n’existaient pratiquement pas à cause du principe de la Colonisation qui était d’exploiter uniquement les colonies et ne rien y fonder en terme d’infrastructure ou tissu économique qui pourrait faire ombrage à l’économie de la métropole.
En dehors de la Guinée révolutionnaire qui crée le 1er mars 1960 sa propre monnaie, toutes les autres colonies décident de poursuivre dans la zone franc et le franc CFA. Le 1er novembre 1962 entre en vigueur du Traité instituant l’UMOA.
Le Président Modibo Keita qui veut construire un socialisme à la malienne estime que cela passe par une véritable indépendance.
Dès janvier 1961, après sa confirmation en tant que Président de la République par le Parlement, il demande le retrait pur et simple de toutes les troupes françaises du sol malien en signe de protestation contre la Guerre en Algérie dans laquelle il a pris fait et cause pour le Front de Libération National et du Gouvernement Provisoire algérien en exil. Les troupes françaises achèvent leur retrait du territoire en Septembre 1961.
Concernant la monnaie, il souhaite créer un institut d’émission et une monnaie nationale, tout en maintenant un lien avec la zone franc. Plus concrètement, il veut ouvrir un compte d’avances auprès de la Banque de France à la différence du compte d’opération que Paris propose aux autres colonies.
La différence est que le compte d’avances porte sur une garantie limitée à un niveau prédéfini mais avec un contrôle limité de la France sur la politique monétaire du pays à la différence du compte d’opération qui donne droit à une garantie illimitée mais assortie d’un contrôle strict de la France sur les politiques des pays concernés.
Le Ministre malien des finances refuse depuis le début de l’année 1962 que la BCEAO rapatrie sur Paris les francs français qui se trouvent dans ses coffres au Mali comme pourtant les accords de la zone franc le prévoient. Il ordonne que ces francs français soient versés à la Banque populaire malienne.
Malgré des négociations entre les deux pays qui se sont soldées par la signature d’accords de coopération économique, financière et culturelle, le Président Modibo Keita informe la France le 30 juin 1962, qu’à partir du lendemain 1er juillet 1962 le franc CFA cessera d’avoir pouvoir légal sur son territoire.
Il présente cette décision dans un discours devant le parlement comme la preuve de l’indépendance politique et économique de son pays. Cette décision donne lieu à une insurrection à Bamako.
Les hommes d’affaires et commerçants ne savent plus quoi faire avec leurs francs CFA. Le gouvernement leur demande de les déposer à la Banque Populaire du Mali, mais ces derniers refusent.
Les Brigades populaires de Modibo Keita répriment sauvagement les insurgés, rentrent dans les maisons et les commerces récupérer les francs CFA et mettent aux arrêts les opposants du Président dont Hamadoun Dicko et Fily Dabo Sissoko accusés de tentative de Coup d’Etat et condamnées à mort avant d’être graciés. Ils resteront quand même en prison où ils seront fusillés le 12 février 1964 selon des témoins.
Après les renversements de Maurice Yaméogo de la Haute Volta le 3 janvier 1966 et du ghanéen Nkrumah le 25 Février de la même année, Modibo Keita devient paranoïaque. Le 22 janvier 1968, il dissout le Parlement et décide de gouverner par ordonnances. Le 22 août 1968 c’est au tour du bureau politique du parti d’être dissout avec transfert de toutes ses prérogatives au Comité de défense de la révolution.
Finalement il est renversé par le coup d’Etat qu’il craignait depuis des années le 19 novembre 1968.
Les putschistes conduits par le capitaine Yoro Diakité, reprochent au Président : « La radicalisation socialiste du régime, l’intention du Président de substituer à l’armée des milices populaires et la faillite économique qui a engendré un mécontentement général ».
Il mourra en captivité le 16 mai 1977 au camp des commandos parachutistes de Djikoroni Para sans rien céder de ses idées.
Par Moritié Camara, Professeur Titulaire d’Histoire