Le mardi 18 juin 2024, le président Alassane Ouattara était face à la représentation nationale réunie au grand complet (Sénat et Assemblée nationale), au Palais des congrès du Sofitel Hôtel Ivoire, à Cocody. Ce jour-là, l’opposition également au grand complet attendait, du premier des Ivoiriens, beaucoup. Notamment, qu’il se détermine par rapport à 2025 (candidat ou pas?) qu’il se prononce sur le cas Gbagbo (amnistie ou pas?), qu’il permette à Blé Goudé d’avoir accès à ses comptes qui seraient toujours sous scellés et bien d’autres sujets d’intérêt général. Mais, comme un fin dribbleur, le chef de l’Etat slaloma entre tous ces sujets pour ne parler que de son bilan à la tête du pays, tout en prenant des engagements (lutte contre la corruption, baisse de l’électricité).
Pour le coup, on peut le dire, il a mis l’opposition dans le vent. Et comment ! Ainsi, comme il fallait s’y attendre, dès la fin du Grand oral, certains opposants ont rué dans les brancards. A commencer par celui-là même qui disait être en partenariat avec le parti présidentiel, en l’occurrence, Pascal Affi N’guessan. « Déçu, évidemment, pour notre chère Côte d’Ivoire. Après 13 ans et à un an de l’élection présidentielle, on attendait mieux ! », a-t-il persiflé, mauvaise langue. « Le message d’Alassane Ouattara devant le Parlement réuni en Congrès était un catalogue d’autosatisfaction, une vision personnelle et enjolivée de la Côte d’Ivoire, avec un flou artistique, mais surtout, coupable sur la question de la vie chère qui impacte tant de compatriotes », a rugi le Lion du Moronou, foulant aux pieds le partenariat conclu en grande pompe avec le RHDP.
Il a aussi craché du fiel
Michel Gbagbo, le fils de l’autre, a aussi craché du fiel. « Je suis venu avec deux préoccupations, à savoir, si le président Laurent Gbagbo, conformément à la loi, pourrait être candidat comme il le souhaite et si le président Alassane Ouattara pourrait faire un 4e mandat. Sur ces deux points, je n’ai pas eu de réponse et j’avoue que je suis resté sur ma faim », a-t-il confié. Pour Bredoumy Soumaïla, porte-parole du PDCI, le président de la République a dressé un état des lieux qui jure avec la réalité à laquelle les Ivoiriens seraient confrontés. « Quand on écoute le président Alassane Ouattara, on penserait que la Côte d’Ivoire est un eldorado. Mais, je pense qu’au niveau du PDCI, on n’a pas vu les perspectives. Pourtant, c’est ce que nous attendions », a-t-il lâché.
En clair, les opposants s’attendaient à autre chose que ce que le mentor des Houphouëtistes a délivré ce jour-là. Toutefois, ce qu’ils ne disent pas mais qui affleure dans les propos des contempteurs du président Ouattara, c’est qu’ils s’attendaient à une grande annonce. Du genre de ce que l’intéressé a fait le 05 mars 2020, lorsqu’il renonçait à se porter candidat à l’élection présidentielle qui s’est tenue cette année-là. Ils auraient alors chanté ses louanges, vantant son « génie » à qui mieux-mieux. Las !
Il a botté la question en touche
Au lieu de quoi, il a botté cette question en touche, la reléguant aux calendes grecques. Ce qui a suscité, on l’a dit, l’ire de l’opposition dans son ensemble. Mais, celle-ci devrait savoir que 2024 n’est pas 2020. Ce qui valait donc hier, ne vaut pas aujourd’hui. Aussi, si le président Alassane Ouattara était en fin de mandat et n’envisageait pas de se représenter, il en va autrement cette fois où la constitution l’autorise à candidater. En d’autres termes, en 2020, n’ayant pas l’intention de se porter candidat, il lui était loisible de se retirer en prenant le soin d’assurer sa succession au sein de sa formation politique. Ce qu’il fit d’ailleurs. Mais le sort en décida autrement, le contraignant à redescendre dans la vallée. Cette fois, la donne est toute autre. Il a déjà fait un mandat sous l’empire de la nouvelle constitution qui a donné naissance à la 3e République. Il peut donc légalement et légitimement prétendre à un autre mandat.
Pourquoi faciliterait-il la vie à l’opposition ?
Alors, pourquoi faciliterait-il déjà la vie à l’opposition en jetant le manche ? En politique, on ne fait pas la passe à l’adversaire. Les opposants devront donc échafauder leurs stratégies avec plusieurs options. Sans la moindre certitude. C’est peut-être ce qui leur a le plus fait mal le mardi dernier. Puisque le suspense reste entier : Ouattara sera-t-il ou pas candidat en 2025? Un vrai casse-tête…ivoirien. Il ne reste plus à Affi, Michel, Bredoumy et autres qu’à lancer cauris pour être situés. Autant dire qu’ils ne sont encore sortis de l’auberge. Tant pis!
René Ambroise Tiétié