Avec Georges Benson, il était le dernier pionnier de la RTI. Marcel Bilé s’est éteint à l’âge de 90 ans à Abidjan. Il a fait les grandes heures de la télévision ivoirienne.
En 1966, une chanson fait le buzz en Côte d’Ivoire. Elle est interprétée par un jeune instituteur et ses trois enfants. Ensemble, ils ont remporté le concours 6e sillon organisé par la RTI. La chanson, intitulée « Merci président Boigny », est devenue aussitôt un tube, et tout le monde en connaît les paroles.
Soyez béni, grand Houphouët-Boigny
Les jeunes gens de Côte d’Ivoire vous remercient
Soyez loué, grand Houphouët-Boigny
Les jeunes gens de Côte d’Ivoire vous remercient.
L’architecte de ce succès, le concepteur du concours 6e sillon, s’appelle Marcel Bilé. Avec Sylvain Bailly Zogbo, il a imaginé ce télé-crochet, dont il assure la réalisation et la présentation, épaulé par ses confrères Georges Benson et Ben Soumahoro.
Trois ans plus tôt, lorsque la RTI est portée sur les fonts baptismaux, Marcel Bilé est loin de se douter qu’il rejoindra bientôt les pionniers de la télévision ivoirienne, au nombre desquels figurent la speakerine Fatou Sidibé et le journaliste Mema Soumahoro, présentateur du premier JT, le 7 août 1963.
Pour Marcel Bilé, l’aventure commence par hasard: « Ça a été un coup de pot. J’étais enseignant à Vavoua. À la fin de l’année scolaire, je viens en vacances à Abidjan. En me promenant au Plateau, je rencontre un copain devant la Maison de la radio. C’était le frère du directeur de la RTI. Il m’apprend qu’il y a un concours d’entrée à la télévision. Je lui demande : « Mais c’est quoi, la télévision ? » Il me répond vaguement : « C’est un système comme la radio. Si tu veux, va essayer ! » Je me suis dit : pourquoi pas ? Il m’a donné sur place la liste des pièces à fournir et j’ai déposé mon dossier. Pour le concours, il y avait une rédaction en français et une improvisation devant le jury. Je suis sorti major sur les sept candidats. Je suis parti ensuite à Paris avec Georges Benson et les autres. On s’est retrouvés pour la formation avec des Togolais et des Camerounais. On s’entendait bien ».
De retour à Abidjan, Marcel Bilé crève l’écran. Il a du charme. Il parle avec éloquence. Il est télégénique. Il présente plusieurs émissions populaires, qui font de lui rapidement une star dans le pays : « Télé code », consacrée à la sécurité routière, « 7 lettres 1 mot », adaptée du programme français « Le mot le plus long », ou encore « Midi Première », l’ancêtre de « C’midi ».
À Cocody, où il réside, Marcel Bilé fait de sa maison un lieu de culture, où défilent des artistes, comme François Lougah, Miriam Makeba, Manu Dibango, mais aussi ses collègues, comme Léonard Groguhet, Clémentine Tikida, Guy Roger N’da.
À Cocody, il reçoit également à diner diverses personnalités, y compris des hommes et femmes politiques de tout bord. L’hôte et ses invités refont le monde, jusque tard dans la nuit.
C’est au fil de ces soirées que naît une grande idée, la création d’un Bureau ivoirien du droit d’auteur, pour défendre les intérêts des artistes. Amédée Pierre s’engage à porter le projet et à le mener jusqu’au bout. Le Burida verra le jour sept ans plus tard.
En 1980, Marcel Bilé a déjà quitté la RTI. Il se lance en politique. Il remporte l’élection municipale à Port-Bouët. Mais le président Félix Houphouët-Boigny le convoque et lui demande de céder son fauteuil à sa protégée.
En 1989, Marcel Bilé crée le groupe BLM, dans un immeuble situé en face du marché de Treichville. C’est un établissement d’enseignement supérieur, qui forme aux métiers de la communication et de l’audiovisuel.
Depuis, sans faire de bruit, Marcel Bilé menait une vie dans l’ombre, s’occupant de ses affaires, loin des studios, des caméras, des lumières aveuglantes. Il vient d’achever son voyage sur terre, avec le sentiment du devoir accompli.
Serge NDRIN (De Serge Bilé)