La rencontre Ouattara, Bédié, Gbagbo a suscité beaucoup de réactions dont voici la quintessence délivrée par le journaliste Bamba Souleymane.
Elle était annoncée. Les Ivoiriens l’attendaient. Les supputations allaient bon train. Des médias s’en sont fait les caisses de résonance et les relais ; avec des titres ronflants qui ont sonné l’eschatologie.
Cette rencontre qui était attendue, a bien fini par arriver. Par avoir lieu. Mais à huis clos. Loin des bruits de couloirs et des commérages dont certains Ivoiriens sont si friands. Et comme si c’était un hasard, ce jour, la France, (dont la Côte d’Ivoire fut une ancienne colonie) et demeure un partenaire privilégié au niveau de la coopération, fêtait le 14 juillet jour mémorable de sa libération des serres des collabos et Etats qui voulurent maintenir la patrie de la fraternité dans les liens d’un dominium permanent.
Cette rencontre entre Ouattara, Bédié et Gbagbo illustre le bel état d’esprit dans lequel et les trois anciens protagonistes à l’origine des convulsions de l’éco-système social, affichent. Au reste les Ivoiriens plutôt euphoriques, considèrent que cette énième rencontre aurait pu intervenir plus tôt. Le climat est apaisé. Le pays vit dans la quiétude. Mutatis mutandis chacun vaque à ses occupations dans la sérénité et une certaine fraternité retrouvée. Toute chose qui conforte l’opinion dans la conviction que les signes indiens des rancœurs et autres ressentiments sont vaincus. Les Ivoiriens semblent avoir tiré les leçons du passé. Ce succès apparait comme un leg du père fondateur Houphouët Boigny à son filleul Alassane Ouattara. Le Dr Ouattara perpétue donc une tradition de pardon, de partage et d’amour. C’est tout à son honneur alors que, dans la foulée, quelques jours plus tôt, le pays frère, le Burkina Faso, a entamé une démarche similaire pour extirper du corpus social du pays les vieux démons de la haine et du refus de tourner les pages sombres du pays d’un président à un autre.
Tout le mérite revient au président Ouattara ainsi qu’à ses prédécesseurs Bédié et Gbagbo. Un face-à-face sans intermédiaire qui augure de lendemains plus radieux.
C’est bien là, l’empreinte du chef ; qu’est Alassane Ouattara. La preuve qu’il a été à bonne école et a blanchi sous le harnais du sage de Yamoussoukro. Le père de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, dont le génie permit à son pays de connaître un miracle économique sans précédent, lui fit appel alors que personne n’aurait pu s’attendre à cette époque qu’il ne sortit de sa botte secrète. Un choix judicieux qui évita au Bélier une sortie honteuse, qui lui avait tant fait pour ce pays. La Côte d’Ivoire traversait en effet une situation quasi inextricable. Ce n’était certes pas exceptionnel ou particulier à la Côte d’Ivoire, mais l’enjeu était loin d’être le même. Il y avait un prestige à défendre ; un défi à relever pour cet homme exceptionnel qui avait tutoyé les plus grands de ce monde et que les meutes de la gauche dite démocratique dopées par l’impétuosité d’un vent venu de l’Est mettaient en difficulté.
Dans son propre camp tétanisé, personne ne paraissait en mesure de se dresser contre cette énorme vague. Il fallait un sang neuf.
Alors que tout le monde pensait que le « Vieux », acculé, allait jeter l’éponge, le miracle se produisit. Il sorti son joker : Alassane Ouattara. Mais l’on ne donnait pas cher de sa peau même dans son propre camp où les clans et les ambitions s’agitaient. L’arrivée de Ouattara vint bousculer l’ordre établi. Mais lui n’avait qu’un objectif, ramener le navire dans des eaux plus clémentes. Faire baisser la température sans pour autant casser le thermomètre. Avec un savoir-faire et un tact que les mémoires retiennent encore, Dr Alassane Ouattara fit honneur au père fondateur. Il rendit à la Côte d’Ivoire sa fierté.
La suite on la connaît. Très rapidement, l’ancien gouverneur de la BCEAO fut perçu comme une menace par l’establishment politique. S’engagea peu à peu une lutte pour la survie. Ouattara n’avait qu’un modèle : Houphouët Boigny. Il savait que le père fondateur lui-même en son temps avait dû lutter contre les Laurent Péchoux et autres couteaux de la métropole qui incarnaient l’ordre ancien hostile au changement. Il avait appris aussi du père de la Côte d’Ivoire moderne l’art du dialogue.
La lutte fut cependant héroïque avec des épisodes sombres. Mais le destin d’un homme n’est-il pas entre les mains du divin Créateur ?
Celui qui injustement avait été rejeté à cause d’intérêts mesquins, il plut à Dieu de lui donner l’impérium. Tout homme qui a connu ce que Alassane Ouattara a connu dans son propre pays aurait été animé naturellement et légitimement d’un sentiment de vengeance à l’encontre de ses bourreaux. Mais de haine et vengeance, le fils de Nabintou Cissé, n’en a point cultivé. Auscultant la situation actuelle que traverse le pays, la reconfiguration du paysage politique, les forces désormais en présence, les crispations progressives, les jeux d’alliance conclus certainement dans l’unique intention de conquête ou de reconquête du pouvoir d’Etat au détriment de l’intérêt national et de la paix, Alassane Ouattara a eu la bonne intuition d’engager le dialogue franc avec ses Frères Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo pour décrisper la situation socio-politique nationale et asseoir une saine atmosphère de réconciliation. Ce faisant, le président Alassane Ouattara démontre qu’il est un digne fils de Félix Houphouët Boigny. Cette rencontre qu’il a eue avec ses deux prédécesseurs est une marque incontestable de l’houphouétisme pur et orthodoxe. Du coup, le pays s’en trouvé profondément soulagé.
Bamba Alex Souleymane
Journaliste professionnel
Expert consultant en stratégies
et en Hautes Etudes Internationales