Rideau sur les élections à la fédération Ivoirienne de football (Fif). On connait désormais ceux qui ont les destinées de notre football, le sport roi en Côte d’Ivoire, entre les mains. Depuis le samedi 23 avril 2022, Yacine Idriss Diallo est devenu le 13ème président de la Fif. Face à Sory Diabaté qui défendait le bilan du comité exécutif sortant et Didier Drogba, un ex-international. Sans compter que le nouvel organe créé par le Comité de normalisation et adopté par l’Assemblée générale, la Commission gouvernance et intégrité connait elle aussi ses patrons : Gondo Pierre et Gnahoua Adeline, respectivement président et vice-présidente.
Deux satisfactions principales sont à tirer de ces élections. D’abord, avec ces élections, la Fédération ivoirienne de football quitte l’ère de la normalisation imposée par la Fifa (Fédération internationale de football associations) qui était intervenue dans le processus électoral après un blocage dû à des palabres autour des conditions d’éligibilité. Lesquelles conditions peu ou mal interprétées par les uns et les autres avaient conduit à des palabres interminables. Ensuite, le fait qu’à nouveau, après près de deux ans de tumulte, l’on devrait se concentrer sur le ballon rond ; ces élections ayant permis la mise en place d’un comité exécutif. C’est donc fini du Conor-Fif.
Cependant, on constate déjà une vraie levée de bouclier contre le nouveau comité exécutif élu avec à sa tête Yacine Idriss Diallo. Avec des arguments qui vont depuis les plus techniques aux sentiments personnels. Les plus techniques, ceux qui pensent que ce nouveau président, pour avoir été membre des instances dirigeantes du football depuis des années, ne pourra rien apporter de nouveau. Du genre un vieux esprit dans un corps vieux. Les sentimentalistes estiment qu’il aurait fallu donner sa chance à Didier Drogba, l’ancien international, candidat. Parce qu’il a prouvé sur l’ensemble des stades qu’il a pratiqués qu’il aime son pays. C’est une légende à qui l’on devrait faire la passe pour tout ce qu’il a semé comme joie dans les cœurs de millions d’Ivoiriens.
Pour ma part, je voudrais m’arrêter aux arguments techniques. Un tour dans la biographie du nouveau patron de la fédération ivoirienne de football nous fait découvrir qu’il y est entré en 1984. Il est né le 1er octobre 1960. Ce qui signifie qu’il est entré dans l’instance fédérale à l’âge de 24 ans. Il y a gravi quasiment tous les échelons avant d’en sortir en 2011 lorsque le comité exécutif auquel il appartenait, dirigé par Jacques Anouma, ne s’est plus porté candidat. 27 ans de suite donc que YID, ainsi que le surnomment ses intimes, avait été à la Fédération ivoirienne de football. Il y a donc connu aussi bien les moments de gloire que les moments de déchéance. Cette grosse expérience aurait pu ou dû militer à sa faveur.
Sauf que, malgré les deux coupes d’Afrique remportées (1992 et 2015) par l’équipe nationale de Côte d’Ivoire et ses trois participations en Coupe du monde (2006, 2010 et 2014) les choses n’allaient plus comme il le fallait. En 2014, il y a eu un gros scandale autour de la prime des joueurs et de la gestion du budget de l’équipe nationale. Cela a conduit des personnalités impliquées à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (Maca). Le ministre des sports, Alain Logbognon a, dans la foulée, été remercié du gouvernement. Les Eléphants (nom de l’équipe nationale) ne faisaient plus rêver malgré un effectif effrayant sur papier. Quant aux compétitions nationales dont le championnat national Ligue 1 est la vitrine, à peine si l’on se rappelait, le niveau auquel on était arrivé. Les terrains sont désertés. Plus aucun supporter. Les années 80-90 étaient bien loin. En ces temps-là, la Côte d’Ivoire était le passage obligé pour tout joueur africain qui voulait briller dans le monde. La plupart des grands noms africains sont passés par ici. Le seul ballon d’or mondial africain, Georges Weah a joué en Côte d’Ivoire.
Mais, dans toute vie, il y a la naissance, l’apogée et le déclin. A ces trois étapes de la vie du football ivoirien, malheureusement ou heureusement, était présent Yacine Idriss Diallo. La question alors, c’est que peut-il apporter de nouveau ? Autrement dit, peut-on faire du nouveau avec de l’ancien ? En clair, ces mêmes personnalités, Jacques Anouma, Idriss Diallo, Sory Diabaté et … Sidy Diallo et Dieng Ousseinou (Paix à leurs âmes) sont quasiment les seuls qui ont rythmé notre vie de supporters en tant que dirigeants de la Fédération ivoirienne de football. Ils étaient là… Quand les piliers ont été posés avec du bois vert. Puis les piliers ont séché. Et surtout, au moment où les piliers ont commencé à pourrir. C’est cela qui explique, en partie, la déception des supporters et de certains observateurs.
La Fédération ivoirienne de football avait besoin d’être dirigée par un sang neuf, un footballeur, peut-être. Car, au final, ce sont eux les acteurs clés. Ce sont eux qui souffrent de voir le système se dessécher. Pis, le système les broie et les avale. Didier Drogba comme Samuel Eto’O aurait pu rajeunir les piliers. L’expérience, l’argument massue de ses détracteurs, elle s’acquiert même en étant aux commandes !
Franck ETTIEN