Le directeur général de Côte d’Ivoire Energies, Sidibé Noumory, a donné des éclairages sur le projet du dispatching national de Yamoussoukro, à travers une interview réalisée par ses services et dont adjuwa.net s’en fait l’écho. Suivons.
Lancés le 27 juin 2019 par le défunt Premier Ministre Amadou Gon Coulibaly, les travaux du Dispatching National de Yamoussoukro sont achevés. Et l’ouvrage est prévu pour être inauguré sous peu. Comment vous sentez-vous à quelques jours de l’inauguration de cet ouvrage électrique ?
A la veille de l’inauguration du nouveau dispatching national du réseau électrique de la Côte d’Ivoire à Yamoussoukro, nous exprimons à la fois un sentiment de fierté et de reconnaissance pour la réalisation de cette infrastructure. Notre sentiment de fierté provient du fait que nous venons de terminer un projet complexe dont la maitrise d’ouvrage et la maitrise d’œuvre ont été assurées par Côte d’Ivoire Energies (CI-ENERGIES) avec l’assistance technique de ses cabinets conseils. De plus avec la fin de ce projet, la Côte d’ivoire disposera d’un des plus modernes centres de contrôle de réseaux d’énergie électrique. Le nouveau dispatching que nous inaugurons d’ici peu qui va gérer de manière optimale et sécurisée l’ensemble des ouvrages interconnectés sur le réseau électrique, fait entrer notre pays dans une nouvelle ère en matière de gestion de son système électrique.
Pourquoi le Dispatching national est-il si important dans l’exploitation d’un réseau électrique ?
Le Dispatching national est le centre de contrôle de tout le réseau électrique de la Côte d’Ivoire. Il veille 24h/24, 7j/7 et 365j/365 sur le fonctionnement opérationnel du réseau électrique national. Il permet de surveiller le fonctionnement de l’ensemble du réseau électrique et de réaliser toutes les opérations de commande à distance pour l’exploitation des centrales de production d’électricité, ainsi que des ouvrages du réseau de transport et de distribution de l’énergie électrique. Les opérateurs du Dispatching national disposent de toutes les informations nécessaires sur le réseau électrique pour assurer la coordination de son exploitation aussi bien en situation normale, qu’en situation de perturbation de la fourniture de l’électricité. En cas de perturbation de la fourniture de l’électricité, la reprise de l’alimentation est entièrement coordonnée à partir du Dispatching qui joue ainsi le rôle de chef d’orchestre.
Peut-on dire qu’il s’agit d’une infrastructure stratégique ?
Oui, le Dispatching national constitue pour le secteur de l’électricité, une infrastructure d’exploitation stratégique, indispensable pour assurer la continuité et la qualité de la fourniture de l’électricité, ainsi que le bon fonctionnement du système électrique interconnecté avec les pays voisins. Il sert à optimiser l’exploitation du réseau électrique en veillant au respect des critères de sécurité, de qualité et de performance économique. Il centralise l’ensemble des données d’exploitation nécessaires à une gestion efficiente du système électrique de la Côte d’Ivoire.
Quelles sont ses caractéristiques techniques ?
Le Dispatching National est une infrastructure qui est basée sur une architecture à trois niveaux. Le premier est constitué de l’ensemble des équipements qui sont installés dans les centrales de production et les postes de transformation pour collecter toutes les informations du réseau électrique et exécuter les ordres qui sont donnés par le dispatching. Le deuxième niveau est le réseau de télécommunication en fibre optique de plus de 2000 km installé sur le réseau électrique qui relie le premier niveau et le troisième niveau constitué par les centres de contrôle. Le nouveau Dispatching national construit à Yamoussoukro est bâti sur une superficie d’environ trois hectares. Il comprend un bâtiment principal qui abrite les centres de contrôle, deux bâtiments de logements pour les agents d’exploitation, ainsi que des bâtiments de services annexes. Les centres de contrôle sont équipés de plateformes logicielles qui intègrent toutes les dernières innovations technologiques en matière de systèmes de gestion des réseaux d’énergie électrique. Le Dispatching de Yamoussoukro va assurer, à sa mise en service, la supervision de l’ensemble du réseau électrique ivoirien qui comprend actuellement, 10 centrales de production (39 unités de production) d’une capacité totale de 2 269 MW, 66 postes de transformation à haute tension, près de 8 000 km de lignes haute tension, plus de 26 000 km de lignes en moyenne tension et plus de 14 000 postes de distribution en moyenne et basse tension pour fournir à plus de 8 300 localités, une électricité de meilleure qualité.
Quelles sont les retombées pour une ville comme Yamoussoukro ?
En termes de retombées pour la ville de Yamoussoukro, le nouveau Dispatching va contribuer au transfert progressif des activités économiques et administratives dans la capitale. En plus de celles liées au tourisme et aux grandes écoles, le Dispatching de Yamoussoukro va contribuer à développer un nouveau pôle d’activités liées à l’exploitation du réseau électrique, par la multiplication des rencontres et des ateliers techniques à Yamoussoukro. Par ailleurs, l’entretien et la maintenance du site et des installations de cet ouvrage devraient aussi contribuer à la création d’emplois locaux comme cela a été le cas pendant sa phase de construction où une centaine de jeunes de la région des Lacs ont été employés par les entreprises contractantes pour la réalisation des travaux.
La Côte d’Ivoire dispose déjà d’un Dispatching à Abidjan. Pourquoi avoir construit un autre ?
La Côte d’Ivoire ambitionne de se positionner comme un acteur majeur de la fourniture d’électricité et de la gestion intégrée des flux d’énergie électrique en Afrique de l’Ouest. Le premier Dispatching de la Côte d’Ivoire a été mis en service en 1981, à Abidjan. Il a connu plusieurs mises à niveau sur le même site pour s’adapter au développement du réseau électrique ivoirien et aux évolutions technologiques. Il était important pour amorcer la transformation digitale de notre système électrique et en cohérence avec notre plan directeur automatismes et téléconduite horizon 2030, de disposer du nouveau Dispatching de Yamoussoukro qui se veut moderne et performant en adéquation avec notre ambition d’être le hub énergétique de la sous-région. En effet, l’évolution propre du système électrique ivoirien lui-même, ainsi que les interconnexions avec les pays voisins (Ghana, Burkina Faso, Mali, Libéria, Sierra Leone et Guinée) dans le cadre de la mise en œuvre du marché régional de l’électricité de l’Afrique de l’Ouest, ont accru la nécessité de la réalisation d’un nouveau Dispatching national et la mise à niveau des systèmes de Télécommunications et de Téléconduite associés. Le Dispatching national de Yamoussoukro est un pilier de notre ambition d’être le hub énergétique de la sous-région.
Qu’apportera-t-il concrètement à l’exploitation du réseau électrique de la Côte d’Ivoire et de la sous-région ?
La réalisation de cet ouvrage permet de rendre plus performante la gestion du réseau électrique interconnecté de la Côte d’Ivoire, qui passe par l’évolution vers les réseaux électriques intelligents dits « Smart Grid ». Le nouveau Dispatching de Yamoussoukro constitue un maillon essentiel de la mise en œuvre du Plan directeur d’automatisme et de téléconduite défini par le secteur de l’électricité pour la période 2014-2030. Sa mise en service va contribuer à assurer une intégration harmonieuse de la Côte d’Ivoire dans le système d’échanges d’énergie électrique de l’Afrique de l’Ouest (EEEOA ou WAPP – West African Power Pool). Le Dispatching National de Yamoussoukro sera en effet l’interlocuteur principal pour la Côte d’Ivoire et le Burkina, du Centre d’Information et de Coordination des réseaux électriques interconnectés de l’Afrique de l’Ouest qui est basé à Cotonou au Bénin. Cette mise en service va résolument engager le secteur de l’électricité dans l’exploitation des réseaux électriques intelligents (Smart Grids) avec une forte pénétration des énergies renouvelables variables et amorcer sa transformation digitale.
Étant donné son caractère, des dispositions ont-elles été prises pour son exploitation en toute sécurité ?
Oui, le Dispatching national est un site de haute sécurité qui disposent de toutes les installations de surveillance et de contrôle d’accès d’au moins trois niveaux de sécurité. De même, tous les équipements sont redondants avec des plateformes informatiques protégées contre la cybercriminalité. C’est aussi un site qui a été conçu pour fonctionner en autonomie en cas de crise. Pour son exploitation opérationnelle, des formations avancées ont été dispensées à tous les agents d’exploitation et aux opérateurs du Dispatching pour assurer une grande maitrise de l’utilisation de ces installations.
A combien évaluez-vous le coût de réalisation de ce projet et pourquoi est-il si important dans la politique énergétique de la Côte d’Ivoire ?
Le coût du projet du Dispatching national de Yamoussoukro s’est établi à 26 milliards de FCfa. Le projet a été financé par un prêt de la Banque Européenne d’Investissement à l’Etat de Côte d’Ivoire dans le cadre du programme ENERGOS 1. Le coût du projet a couvert tous les travaux de modernisation et de renforcement effectués dans les trois niveaux de l’infrastructure du Dispatching : centres de contrôle, réseau de télécommunication et calculateurs d’acquisition dans les usines et les postes électriques.
La production énergétique de la Côte d’Ivoire couvre largement sa demande d’électricité. Pourquoi le Gouvernement initie-t-il autant de projets de construction de barrages hydroélectrique, centrales thermiques, à biomasse et solaires ?
L’énergie est primordiale pour le développement économique et social d’un pays. La Côte d’Ivoire enregistre depuis 2011 des performances économiques exceptionnelles caractérisées par un taux de croissance moyen du PIB autour de 8% de 2012 à 2018.
Pour le secteur ivoirien de l’électricité, l’enjeu était de concevoir un plan de développement de ses infrastructures qui soit en adéquation avec les objectifs fixés par le Gouvernement de Côte d’Ivoire, de manière à satisfaire la forte croissance de la demande nationale en énergie électrique ainsi que les ambitions d’exportation de la Côte d’Ivoire vers les pays voisins à travers le renforcement des réseaux d’interconnexion. Tous les investissements du secteur de l’électricité en termes de production, de transport et de distribution d’énergie électrique ont donc été identifiés et planifiés de façon rationnelle et avec un souci d’optimisation à travers des études spécifiques de plans directeurs élaborés par CI-ENERGIES. C’est la mise en œuvre de tous ces plans directeurs du secteur de l’électricité fortement soutenue par le Gouvernement ivoirien qui conduit à la réalisation des ouvrages de production, de transport et de distribution de l’énergie électrique en Côte d’Ivoire.
Quel bilan faites-vous du rôle que joue CI-ENERGIES, l’entreprise que vous dirigez, dans le développement énergétique du pays, ces dernières années ?
Depuis la création de CI-ENERGIES en décembre 2011, le secteur de l’électricité a enregistré des performances remarquables. Ainsi, CI-ENERGIES et ses partenaires producteurs indépendants d’énergie ont permis à notre pays de passer d’une capacité installée du parc de production d’électricité de 1 391 MW en 2011 à 2 269 MW à fin 2021, soit une augmentation de plus de 60%. Le Temps Moyen de Coupure national (TMC) est passé 47h en 2011 à environ 16h en 2020 soit une baisse de plus de 31 heures. Le rendement global du réseau électrique est passé de 71% à plus de 82% en 2020, soit un gain de 11 points. Le Taux de Couverture (nombre de localités électrifiées/nombre total de localités) est passé de 33% en 2011 à 80% en 2020 avec le nombre de localités électrifiées qui est passé de 2 847 en 2011 à 6 781 en 2020, soit une augmentation de 138% sur la période.
De même, les perspectives sont tout aussi prometteuses pour les années à venir pour le renforcement de la capacité de production qui devrait passer d’environ 2 500 MW en 2022 à plus de 3 500 MW en 2025 pour atteindre plus de 5 000 MW en 2030 avec un mix-énergétique de plus de 45% d’énergies renouvelables. Le temps moyen de coupure devrait aussi s’améliorer progressivement pour passer de 16h par an actuellement à 5h par an à partir de 2025 avec un taux de couverture de 100%.
Quelle assurance donnez-vous aux Ivoiriens quant à la disponibilité d’une énergie abondante et de qualité ?
Comme vous le constatez, concernant le secteur de l’électricité, la Côte d’Ivoire se donne les moyens pour assurer sa croissance. Le nouveau Dispatching national de Yamoussoukro qui sera prochainement inauguré est chargé de gérer l’exploitation de tous ces moyens pour un approvisionnement en électricité sure et de bonne qualité à tous les usagers industriels et domestiques en Côte d’Ivoire, ainsi qu’aux pays de la sous-région ouest africaine. Notre priorité est de maintenir le réseau électrique opérationnel 24h/24, 7j/7, en toutes circonstances pour garantir à chaque instant l’alimentation des activités essentielles de la nation. Nous en sommes conscients. CI-ENERGIES va poursuivre ses projets de développement pour accroître la sécurité de l’approvisionnement, atteindre l’électrification totale du territoire, porter la qualité de service aux standards internationaux et renforcer les interconnexions en prévision du futur marché sous régional de l’énergie de l’Afrique de l’Ouest. Nonobstant, des perturbations sporadiques de la fourniture de l’électricité qui sont inhérentes à tout réseau électrique à cause des incidents provoqués par des pannes ou des défauts dus aux conditions atmosphériques ou à des tiers, CI-ENERGIES s’est engagée à renforcer la résilience du réseau électrique ivoirien pour permettre de manière durable, une fourniture d’électricité sûre, abondante et à moindre coût pour le développement harmonieux de la Côte d’Ivoire.
Avez-vous l’appui institutionnel nécessaire pour conduire tous vos projets ?
Oui, bien sûr ! C’est le lieu d’exprimer toute ma gratitude à SEM Alassane Ouattara, Président de la République, pour l’ambition clairement affirmée de faire de la Côte d’Ivoire un hub énergétique de l’Afrique de l’Ouest. Mes remerciements vont également à l’endroit de feu le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly qui a initié ce projet, à M. Patrick Achi, chef du Gouvernement dont l’appui constant a permis d’arriver à l’aboutissement de ce projet. J’adresse mes sincères remerciements à notre ministre de tutelle, M. Thomas CAMARA, ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie, pour son implication personnelle et pour l’accompagnement dont nous bénéficions au quotidien dans la réalisation de tous les projets pilotés par CI-ENERGIES, notamment la finalisation du projet du Dispatching national de Yamoussoukro. Je voudrais également exprimer ma reconnaissance à tous nos partenaires techniques et financiers et particulièrement à l’Union européenne et à la Banque européenne d’investissement (BEI) dont les financements ont permis de construire ce nouveau dispatching national dans le cadre du Projet « Construction du nouveau dispatching, modernisation de la téléconduite et du réseau de télécommunication du système électrique de Côte d’ivoire », l’une des composantes du programme d’appui au secteur de l’électricité en Côte d’Ivoire (programme ENERGOS). J’associe à ces remerciements les équipes de la Compagnie Ivoirienne d’Electricité. J’adresse mes félicitations les plus vives aux collaborateurs de CI-ENERGIES qui ont travaillé sans relâche avec beaucoup de professionnalisme à la réussite de ce projet.
Assamoa Agnero (Source Côte d’Ivoire Energies)