S’il existe un concept galvaudé à bas frais actuellement dans les débats qui secouent le continent africain et particulièrement l’espace francophone c’est bien celui du panafricanisme.
Pour beaucoup il suffit d’être contre la France ou la politique menée par les autorités françaises en Afrique et ailleurs pour être panafricain. Pour d’autres il suffit d’exprimer une prévention contre les liens de soumission entre un pays africain et une puissance impérialiste pour être panafricain. Plus curieux encore, il suffit de le dire pour l’être. Tout cela est réducteur, naïf, simpliste et forcément absurde. Dans cette logique un habitant du Malawi qui n’a aucun reproche à faire à la France et qui ne connait de ce pays que son bon vin et son fromage ne sera jamais légitime pour se proclamer panafricain.
C’est ainsi que le Président Félix Houphouët-Boigny n’est jamais évoqué comme panafricaniste par les huissiers qui décernent cette reconnaissance, alors même qu’il reste à ce jour le seul qui l’a traduit dans les faits à l’échelle de son pays avec bonheur. En revanche Kwamé Nkrumah est porté au panthéon des panafricanistes pour avoir suggéré la constitution dans les années 1960 des « Etats-Unis d’Afrique ». Une idée totalement irréaliste même 70 ans après.
Mais personne n’a pris le temps d’analyser la nature totalement idéologique et fantasmée de cette prétention qui si elle avait été mise en pratique n’aurait permis que de créer les « Tribus Unies d’Afrique » qui se seraient noyées dans le sang et la sueur de leurs guerriers une heure après.
Les Etats africains issus de la colonisation sont avant tout des constructions artificielles qui ont enfermé dans des carrés, trapèzes, polygones ou autres figures étranges, tracés sans tenir compte d’aucune homogénéité ethnique, tribale ou culturelle par des puissances européennes qui n’y voyaient que des unités administratives et des pays de cocagne voués exclusivement à l’exploitation de leurs richesses et non des États.
Les soubassements des États actuels ont été posés par l’organisation administrative de ces colonies. Les colonies françaises par exemple, ne seront nommées « États » dans un document officiel que dans la Constitution de la 4ème République Française de 1946 qui remplace l’Empire Colonial Français par l’Union Française et fait des colonies des membres de cet ensemble en tant qu’États.
Comme le disait le Président Houphouët-Boigny, les élites africaines dans les années 1950 et 1960 ont hérité de mosaïques d’ethnies qu’il fallait transformer en Nation au sein des États dont il était interdit depuis la directive de l’OUA de 1964 de modifier les frontières tracées par les colons.
Il s’agissait donc avant tout de faire de ces entités multinationales (l’ethnie étant l’unité de la nation par excellence), des États-Nations avec une conscience nationale qui transcendance les loyautés tribales et ethniques multiséculaires avant d’envisager une intégration au niveau du Continent.
Eviter de franchir la ligne d’arrivée avant d’avoir commencé la course était le conseil pragmatique et non idéologique que proposait le Président Félix Houphouët-Boigny pour arriver un jour à ces fameux « États-Unis d’Afrique ». N’empêche qu’il fera de son pays un laboratoire de cela avec l’intégration de tous les africains dans sa gestion politique, économique et sociale.
Cependant, si l’Afrique y parvient un jour à se transformer en États-Unis, dans la liste des remerciements doit figurer en tête la colonisation. Comme quoi cette séquence fut t’elle douloureuse de l’Histoire de l’Afrique a favorisé également certaines évolutions qui profitent ou profiteront à ce Continent.
En effet, avant la colonisation, l’Afrique n’était en rien unie. Le continent était le domaine de royaumes, empires et autres puissantes chefferies dont le passe temps favori était de mener des guerres territoriales comme Macron soupçonne Poutine de mener en Ukraine.
Les Africains n’avaient d’ailleurs pas l’apanage de cet objet de la guerre qui ne servait avant 1914 qu’à capturer des terres pour agrandir les royaumes et autres empires. Poussant des peuples à des fuites interminables qui ont permis le peuplement des espaces paisibles comme la Côte d’Ivoire.
La colonisation va mettre fin à cette instabilité en fixant les peuples à l’intérieur de frontières que l’on peut qualifier de sécurisées. Le panafricanisme ne saurait donc être non plus, le fait de revenir à ce qui existait sur le Continent avant la colonisation. Cette prévention doit être exprimée car très souvent on associe Panafricanisme et Renaissance africaine.
Dès lors, lorsqu’on débarrasse ce concept de tous ces amalgames, fausses constructions, accusations et célébrations, la question est : Que faut-il entendre par panafricanisme ? Pour répondre sans apriori à cette question, il faut dire qu’à l’origine, le Panafricanisme renvoyait à un mouvement politique et idéologique de l’intelligentsia afro-américaine qui a vu le jour dès le 18ème siècle …
Moritié Camara, Professeur Titulaire d’Histoire des Relations Internationales