La radiation du président du PDCI-RDA, Tidjane Thiam, de la liste électorale a placé le vieux parti dans une situation totalement inattendue puisqu’il est obligé, voire sommé de monter au créneau pour dénoncer ce qu’il considère comme une injustice. Sauf que cette formation, connue pour son manque d’agressivité, peine à rallier à sa cause, aussi bien, ses propres militants – seulement 200 personnes, selon RFI étaient devant le siège, hier jeudi 24 avril – que les autres partis de l’opposition qu’elle a rejoint presqu’à son corps défendant après qu’elle a rompu les amarres avec la coalition au pouvoir.
Ce serait un truisme de soutenir que le PDCI-RDA est à la croisée des chemins suite à la radiation de son premier responsable, Tidjane Thiam, de la liste électorale, le mardi 22 avril 2025, par le Tribunal de première instance d’Abidjan dirigé par la juge Aminata Traoré. En effet, celle-ci a estimé que l’ancien patron de Crédit suisse n’était pas Ivoirien au sens de l’article 48 du Code de la nationalité au moment où il s’inscrivait sur la liste électorale en 2022. Puisqu’il avait perdu, en ce temps-là, la nationalité ivoirienne du fait de l’acquisition de la nationalité française en 1987. Il s’ensuit qu’il ne pouvait pas s’inscrire sur ladite liste réservée aux seuls Ivoiriens. Il échet, dès lors, de le radier de cette liste dont il fait indûment, faut-il le souligner, partie.
C’est une décision à laquelle ne s’attendait pas le PDCI-RDA, moins encore son président. En conséquence, le parti a décidé de réagir. C’est ainsi qu’il a, tour à tour, suspendu sa participation à la CEI et boycotté la séance plénière de l’Assemblée nationale, le mercredi 23 avril 2025. Il s’agit maintenant de mobiliser toute l’opposition pour marquer le coup et mettre la pression sur le pouvoir Rhdp. Mais, justement, à ce niveau, il y a problème parce que l’opposition semble être en mode « spectateur ». A commencer par le PPA-CI de Laurent Gbagbo qui s’est officiellement désolidarisé du vieux parti désormais obligé de ne compter que sur ses seules forces pour défendre la cause de son leader. Il est vrai que le PPA-CI a suivi le PDCI-RDA le mercredi dernier pour le boycott de la plénière de la Chambre basse. Mais, à la vérité, c’était moins par solidarité que pour exiger la réinscription de l’ancien président Laurent Gbagbo sur la liste électorale. Le PDCI-RDA est donc seul au front pour mener la bataille. Mais comment s’en étonner ?
Plusieurs raisons expliquent cette situation.
Primo, il se trouve que le vieux parti a déjà dirigé ce pays et qu’il n’est pas étranger au débat sur la nationalité. Faut-il rappeler que sous Bédié, ce débat a empoisonné la vie des Ivoiriens ? De fait, l’ex-opposant Alassane Ouattara avait été spolié de sa nationalité ivoirienne. Il avait été présenté comme un Burkinabé à qui le défunt régime à créé mille et une misères allant jusqu’à lancer un mandat d’arrêt international contre lui. Il dut s’exiler pour échapper aux poursuites judiciaires qui le visaient. Les Ivoiriens qui ont vécu ces moments de grande turbulence n’ont pas oublié.
Secundo, l’actuel président du PDCI-RDA fait face à de solides inimitiés en interne. Il a même été attrait devant la justice par l’ancienne déléguée PDCI-RDA d’Akoupé, Valérie Yapo qui conteste sa légitimité à la tête du parti. Cette action qui est toujours pendante devant le Tribunal de première instance pourrait lui coûter la présidence du parti doyen.
Tertio, il y a que le PDCI-RDA était en alliance avec le Rhdp et paraît, aux yeux de certains, comptable de la gestion du parti présidentiel dont il ne s’est séparé qu’en 2018.
Quarto, il ne faut pas oublier le discours de Tidjane Thiam lui-même qui pourrait apparaître comme un « candidat de l’étranger ». Ce qui est une aberration pour beaucoup au sein de l’opposition qui se veulent souverainistes. Notamment, le PPA-CI de Laurent Gbagbo.
Quinto, enfin, les bourdes de Tidjane Thiam qui se laisserait guider par ses émotions et cèderait parfois au narcissisme, ramenant tout à sa personne. Cela s’apparente à un manque de self-contrôle qui le dessert. D’ailleurs, les partisans de l’ancien chef de l’Etat Laurent Gbagbo ont modérément apprécié qu’il évoque un sondage qui le placerait en tête des votes devant leur mentor. Et, ils ne se sont pas privés de le lui faire sentir en lui remontant les bretelles.
Ça fait beaucoup de motifs qui jouent contre Tidjane Thiam et empêchent PDCI RDA de mobiliser au-delà de ses quelques caciques militants et sympathisants. Une occurrence qui rend la bataille plus ardue et l’issue plus incertaine. On peut le déplorer.
Franck ETTIEN