Demain, 1er janvier 2025, Haïti fête sa 220ème année d’existence en tant qu’Etat. On le sait, cette première République noire vit des jours sombres depuis des années. Pour le Professeur Benoit S. NGOM, Président Fondateur de l’Académie Diplomatique Africaine (ADA) et de l’Association des Juristes Africains (AJA) une des solutions pour sortir ce pays de la crise reste son acceptation par l’Union africaine (UA) en tant qu’Etat membre. D’où son plaidoyer dans cet entretien.
D’où vous vient le plaidoyer pour l’admission de Haïti comme membre de L’union africaine ?
En janvier 2014, Laurent Salvador Lamothe, Premier ministre haïtien de l’époque, bénéficie d’une tribune lors du 22e sommet de l’UA. A cette occasion il avait déclaré que « Haïti, c’est l’Afrique dans la Caraïbe » et que ses compatriotes restent « des Africains dans leurs âmes, dans leurs cœurs et dans leurs mœurs ». L’année suivante, en 2015, l’organisation lui confère le statut de « membre associé à part entière ». A partir de ce moment, bon nombre d’observateurs avaient pensé que l’admission de Haïti à l’Union Africaine allait suivre très rapidement. C’est alors que des informations émanant de l’organisation firent savoir que l’acte constitutif de l’organisation en son article le 29 dispose que seul un Etat africain peut être membre de l’UA. Dès lors la question de savoir si Haïti peut être considéré comme un Etat africain se pose. En tant que juriste, je réponds oui à la question. En effet, une résolution de l’Union Africaine prise à l’unanimité en 2013 concède à la Diaspora africaine le titre de 6e Région du Continent et que la réunion de Syrte qui, après 2 autres rencontres sur le même thème de la définition du mot « Diaspora Africaine », a décidé que peut être considéré comme africain toute personne qui réclamait son appartenance au Continent. Si nous nous considérons que Haïti est le seul pays au monde dont la population est constituée par des afrodescendants membres à part entière de la Diaspora africaine ; donc considéré comme des africains, il nous semble à bon droit que Haïti peut demander à être reconnu par les Etats africains pour être membre de l’UA. Je souligne, à cet égard, que de nombreux territoires insulaires sont rattachés à des États appartenant à d’autres continents.
Haïti a actuellement de grands problèmes de sécurité avec ses gangs qui sèment terreur et désolation à Port au Prince. L’Afrique, en dehors du Kenya, ne se bouscule pas pour l’opération internationale de sécurisation. Quelle réflexion cela vous inspire par rapport à votre plaidoyer ?
J’ai voulu sensibiliser les africains au sort de ce pays dont la population d’origine africaine a fondé la première république noire d’Haïti ; Ce qui doit être la fierté des africains. Pourtant, ils restent globalement indifférents. Cette indifférence relative est due au peu d’informations que les peuples africains ont sur ce pays. Ainsi, son passé douloureux et glorieux n’a eu et n’a toujours aucun impact sur des populations africaines qui, très souvent, se débattent pour leur survie. C’est que, c’est dans l’indifférence totale que les africains ont vécu la décennie des afrodescendants voté par les Nations Unies en 2014 et qui s’achève en ce mois de Décembre 2024. L’Afrique doit assumer sa responsabilité historique pour résoudre la crise actuelle en Haïti. A cet égard, nous pensons que malgré l’ignorance des réalités haïtiennes, avec ses contradictions locales, l’UA devrait convoquer en Afrique, de préférence dans un pays francophone, avec le soutien des USA et de la France, les coresponsables historiques de la situation dans ce pays, toutes les parties concernées, pour débattre de la crise. En effet, la solution de la crise haïtienne ne peut pas être ramenée à une intervention militaire ou policière étrangère.
Quels avantages pour Haïti d’être admis à l’union africaine ?
C’est aux haïtiens de dire ce que la présence de leur pays dans l’Union Africaine pourrait leur rapporter. Moi, en tant qu’africain, je crois que cela permettra à l’Afrique d’assumer sa responsabilité historique par rapport à la Diaspora Africaine, aux Afrodescendants, afin de donner mieux corps à sa courageuse décision de « Diaspora 6e ». Une attitude que personne ne pourrait contester.
En dehors de votre article, l’académie diplomatique africaine que vous présidez a-t-elle un plan ou projet concret pour faire aboutir votre plaidoyer ?
A travers la représentation de l’ADA en Californie, les contacts directs sont pris avec des partis politiques et des membres de la Société Civile haïtienne. Les discussions pourraient aboutir à une coordination des actions pour rechercher une plus grande mobilisation responsable de l’Afrique par rapport à la crise actuelle. Mais aussi, pour accompagner ce pays à vivre une stabilité qui bénéficiera à l’Afrique, à l’Amérique latine et au reste du Monde. Cette action n’a pas une vocation idéologique. Haïti est un Etat démocratique pluraliste. Et, le continent africain est habité par des peuples dont les Etats n’ont pas les mêmes orientations politiques ou économiques.
Les pays africains eux-mêmes sont à la traîne pour la plupart d’entre eux. Haïti ne viendra-t-il pas allonger la liste des pays souffreteux et en détresse ?
Les difficultés de Haïti sont à peine différentes de celles que connaissent certains États africains. Malgré tout l’Afrique évolue positivement sur le plan politique et sur le plan économique. Le Continent, en l’espace d’un demi-siècle, par cercle concentrique, à travers des organisations sous régionales, est entrain de consolider son intégration, à travers, l’UA, la BAD et bientôt la ZLECAF. C’est dans cette perspective que l’Afrique doit aider la première République noire, qui fête le 1er Janvier 2025 sa 220e année d’indépendance, à intégrer sa dynamique que certaines voix pessimistes ne doivent pas nous amener à sous-estimer.
Dans votre plaidoyer, quel rôle pourrait revenir à la presse puisque, on le voit, L’Académie diplomatique africaine est en partenariat avec Meilleur de l’actualité africaine.
Avec le Président de L’UJPLA, mon frère YAO Noël que je connais depuis plusieurs décennies, et avec qui je partage une certaine vision positive de l’Afrique, nous avions décidé dès sa prise de fonction à la tête des organisations de la presse africaine de mutualiser nos efforts pour une plus grande sensibilisation et une meilleure mobilisation des africains pour le triomphe de leurs causes principales et sur les problématiques internationales qui peuvent avoir une incidence sur l’Afrique. C’est dans cet esprit que nous avons signé un accord de coopération dont l’objet est que l’ADA en tant que Think Tank et L’UJPLA en sa qualité de Consortium de journalistes contribuent à former une solide Opinion publique Africaine en faveur de la Paix et du développement durable de notre continent.
Interview réalisée par Franck ETTIEN