Les soutiens du prolongement sans fin de la transition malienne – au fallacieux prétexte de soutenir le peuple malien – contre la réaction ferme et salutaire de la CEDEAO doivent se réjouir du fait que notre espace sous-régional se lance dans une dynamique de régime Kaki. Il en est de même pour les pseudo-panafricanistes qui pensent leur salut venir d’un régime militaire tant que celui-ci joue la carte de la prétendue dignité africaine face à une CEDEAO aux ordres de Paris. Pourtant, il y a qu’à égrainer l’histoire de l’Afrique pour se rendre compte que les coups d’état salutaires sont plus qu’une exception, il y a qu’à regarder l’histoire de notre pays pour déduire que les illusions d’un coup d’état peuvent se muer en sempiternel cauchemar.
Hélas, ce qui devait apparaître comme une évidence, ce qui devait nous réunir autour de notre institution sous-régionale, ce qui devait donner l’occasion d’un panafricaniste accroché à des valeurs et à des principes n’a pas pu servir d’humus en Afrique occidentale. Bien au contraire, nos dissensions ont bien été analysées par les instigateurs de Ouagadougou. Ils ont bien compris que condamner un coup d’état ne fait plus l’unanimité en Afrique occidentale et qu’avec un peu de chance, ils pourront passer du statut de bourreau à celui de victime comme Assimi Goïta au Mali.
À l’évidence, nous reculons par la multiplication de régimes militaires et des tentatives de putschs. Cette mauvaise dynamique autour de nos armées doit désormais, être condamnée unanimement par tous les Africains. Bien-sûr, la simple condamnation et la multiplication des sanctions ne sauraient être l’apanage pour mettre fin aux coups d’état. Les évènements de Ouagadougou en sont la preuve. Mais ils auront l’avantage de montrer aux futurs putschistes qu’il y a une phobie générale des tentatives de putschs et autres mutineries de tous genres.
Il faudrait y ajouter de vraies réflexions et de vraies solutions sur les problèmes que révèlent ces coups d’état. D’abord, continuer à travailler sur la culture démocratique de nos peuples. IBK et Roch Marc Kaboré sont tous les deux issus d’élections plutôt intéressantes le second ayant gagné sa première au lendemain d’une révolution. Cela doit nous faire comprendre que la démocratie ne se limite pas aux élections. La sensibilisation doit concerner les institutions, les modes de recours et le respect du vote.
Aux gouvernants, ils doivent comprendre que leurs élections ne sont pas des chèques en blanc. Il y a une certaine exigence de résultat. Roch avait fait campagne sur la sécurité et la réconciliation. C’est justement, les deux questions sur lesquelles il réalise le moins de progrès depuis sa réélection. Au fil des années, IBK était apparu comme un roi fainéant distribuant à sa famille les secteurs de l’économie malienne. Il apparait donc que les élus doivent donner une place essentielle à une gouvernance saine et participative et veiller à l’efficacité de leurs décisions surtout quand le pays est engagé dans une lutte sécuritaire.
La CEDEAO doit continuer de se réinventer. Elle ne peut plus se limiter à des sanctions ou à des interventions au moment où les situations dégénèrent. Elle doit renforcer ses mécanismes d’alerte précoce pour instaurer ou imposer au plus tôt des dialogues francs et constructifs bien en amont. Elle doit faire évoluer ses textes pour répondre aux aspirations des jeunesses notamment en termes de démocratie. Enfin, la solidarité doit être plus forte dans la lutte contre le terrorisme. Comment comprendre que pour palier le départ d’une partie de Barkhane, les Maliens pensent à Wagner et non à la force en attente ? Comment comprendre que nous n’avons pas pu mobiliser 2500 soldats pour remplacer les Français et bâtir ainsi notre crédibilité et notre solidarité.
En somme, les coups d’état sont à proscrire mais ils sont révélateurs de malaises que de simples sanctions et condamnations ne seront pas suffisantes à freiner.
Par Dr. Arthur Banga, historien
(Extrait de Fraternité Matin du mardi 25 janvier 2022)