La CI a finalisé l’achat de quatre hélicoptères d’attaque avec l’entreprise publique chinoise CATIC, dont le vice-président a séjourné dans le pays à la mi-juin 2024. Et pourtant les drones paraissent plus efficaces.
L’option pour le matériel chinois : un camouflet pour la France ?
C’est en début d’année que les informations sur la future acquisition de ces engins ont commencé à circuler dans les médias. Ce qui laisse supposer que les discussions étaient en cours bien avant. Le montant de la transaction n’a pas été divulgué, mais on sait qu’elle sera financée par un « prêt souverain bilatéral des exportations chinoises », selon l’hebdomadaire Jeune-Afrique. Généralement, le deal est un package qui inclut les engins, la formation des pilotes, opérateurs, mécaniciens et maintenanciers.
Le Harbin Z-9 dont la CI va acquérir quatre exemplaires est un hélicoptère fabriqué en Chine sous licence française. Ce détail a son importance. Beaucoup de médias ont présenté la transaction comme un camouflet pour la France, de la part de son plus important allié en Afrique. Pourtant en portant son choix sur un appareil qui est le fruit d’une coopération sino-française, la CI ne coupe en rien les ponts avec le partenaire français. Bien au contraire, tout porte à croire que la France a certainement pesé dans ce choix.
Les engins du groupe Eurocopter et des firmes occidentales sont hors de portée des Etats africains. Ces derniers se fournissent sur les marchés d’occasion pour leurs équipements lourds. Et même, sur ce segment, le matériel d’occasion des firmes occidentales est encore une fois, hors de portée pour nos Etats. C’est la Russie, le Brésil, la Turquie, l’Inde, la Chine qui fournissent des équipements d’occasion accessibles aux Etats africains. La CI a manifesté son désir d’acquérir cette fois des équipements neufs, (les crashs de ses Mil Mi 24 étant récurrents). Elle a été dirigée vers le chinois CATIC par son partenaire français. Ainsi la transaction n’est en rien une rupture avec la France.
Après les infrastructures, les Chinois vont-ils désormais viser le marché de la défense des pays africains ?
C’est un prêt de l’Etat chinois qui permet à la CI d’acquérir les engins, et de régler la facture comme une dette classique, c’est-à-dire en plusieurs tranches étalées dans le temps. Jusque-là, c’était sur les infrastructures que la Chine appliquait cette méthode. Elle construisait, et les Etats réglaient sur une certaine période. Aujourd’hui, cela est appliqué dans l’armement. C’est une méthode redoutable qui a permis à l’empire du milieu de régner en maître dans la construction des infrastructures en Afrique et ailleurs dans le monde. Il est prévu l’acquisition par la CI d’avions de chasse dans une deuxième phase de l’accord. La question qui se pose est de savoir si l’armée ivoirienne compte renouveler tout son équipement lourd par du matériel chinois. Si la coopération venait à s’intensifier, cela pourrait cette fois mécontenter les Français. Mais, nous n’en sommes pas encore là.
Toujours est-il qu’avec les chinois, les pays ont la possibilité d’acquérir des équipements lourds neufs. Et cela doit en principe peser dans la balance dans le choix de leurs futurs partenaires. Il semble qu’on soit bien parti pour reproduire dans l’armement le schéma mis en place dans les infrastructures.
Aujourd’hui la guerre se conjugue avec l’utilisation intensive des drones
Généralement, les hélicoptères d’attaque, tels que ceux qui seront prochainement acquis par la CI, sont utilisés en soutien aux troupes au sol. Ils traitent des cibles telles que les chars, les blindés, les canons et autres pièces d’artillerie. Mais les drones ont modifié la donne aujourd’hui sur les champs de bataille. Que ce soit dans la présente guerre en Ukraine ou dans des guerres récentes comme celles entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, entre l’armée éthiopienne et les rebelles du Tigré, entre les troupes du maréchal Haftar et celles du gouvernement d’union national en Libye, dans la traque du groupe boko haram au Nigéria, l’utilisation des drones fut déterminante, notamment le fameux Bayraktar.
L’armée ukrainienne inflige l’essentiel des pertes aux forces russes grâce aux drones. Par un pilonnage méthodique opéré par drones, le groupe Boko Haram a été délogé de la vaste forêt de Sambisa où l’armée nigériane ne pouvait s’aventurer sans accuser de lourdes pertes. Les divisions de chars de l’Arménie, ont été totalement décimées par le Bayraktar TB2 dans la guerre contre l’Azerbaïdjan pour le contrôle du haut karabakh en Septembre-Octobre 2000. Après une année de conflit entre l’Ethiopie et les rebelles du Tigré, ces derniers avançaient inexorablement, mais dès l’entrée en action des drones, leur sort fut scellé. Ils ont reculé jusque dans leur bastion du Tigré, avant de capituler. Sur tous ces théâtres d’opérations, l’aviation conventionnelle s’est montrée inadaptée.
Pourquoi acquérir des hélicoptères alors que des drones peuvent faire le travail à moindre coût ? Un hélicoptère exige un équipage, des maintenanciers, et toute une logistique avant de décoller. Ce qui n’est pas le cas des drones qui sont plus faciles et moins coûteux à l’emploi et à l’acquisition. Jusque-là, l’armée ivoirienne s’est montré réticente à acquérir des drones de combat, notamment le Bayraktar TB2 que se pressent d’acquérir tous les Etats en proie au terrorisme ou à des menaces similaires.
Conçu pour traquer et frapper avec précision les objets petits et mobiles, ce drone est aujourd’hui ce qui se fait de mieux pour des « frappes chirurgicales » dans des conflits de » basse intensité « , ou asymétrique. Capable de voler 27 heures d’affilée et de frapper une cible de moins de 2 mètres d’envergure à 8 km de distance, ce drone est de l’avis des spécialistes une arme efficace à 100% contre les rébellions ou conflits assimilés. Des djihadistes à moto ou sur des pick-up n’auraient aucune chance d’en réchapper, même de nuit, car il est équipé d’une caméra à vision nocturne. En Éthiopie, au Nigéria, ce drone a effectué le travail dont des divisions de soldats étaient incapables.
L’Etat major ivoirien doit revoir sa copie concernant les drones de combat
La guerre a évolué. Un hélicoptère peut toujours être utilisé pour projeter des forces, c’est-à-dire les acheminer par les airs sur le théâtre d’opérations. Mais l’intervention depuis les airs pour traiter des cibles au sol, ou en soutien à la progression des forces terrestres, est un travail aujourd’hui dévolu aux drones. L’Etat-major ivoirien et le ministère de la défense semblent ne pas l’avoir encore assimilé. Pourtant, c’est la leçon qui se dégage des conflits en cours dans le monde. Aujourd’hui, le drone remet totalement en question l’utilisation des chars et des véhicules blindés. Car, non seulement il permet de les neutraliser, mais il peut aussi accomplir aussi le travail qui leur est dévolu, tout étant moins onéreux et facile d’utilisation. Visiblement, ce constat échappe à l’armée ivoirienne.
Par ailleurs, l’équipage de l’Harbin Z-9 qui sera prochainement en dotation dans l’aviation ivoirienne se compose d’un pilote et d’un opérateur des armes. Bien sûr, il existe un protocole pour éviter que des décisions contraires soient prises par ces deux hommes. Mais il n’empêche qu’un engin opéré par un seul individu est toujours préférable à un engin opéré par plusieurs. La « synchronisation des décisions » entre les deux hommes peut poser problème. Car, dans le feu de l’action, les décisions se prennent à la seconde.
L’armée ivoirienne utilise des drones pour des missions de surveillance, pas de combats. Le pays peut accuser ainsi du retard dans ce domaine. Vu que tous les pays africains jouent à fond aujourd’hui la carte des drones de combat. Acquérir des hélicoptères d’attaque n’était pas une option pertinente pour la CI. Néanmoins, le règlement de la transaction étant étalée dans le temps, on peut comprendre les autorités ivoiriennes. Elles ont à disposition des hélicoptères neufs qu’elles ne vont pas régler au comptant. Cela a sans doute pesé dans leur choix. Toutefois, il demeure clair que la CI doit veiller à ne pas accuser un retard dans l’utilisation des drones de combat. Cette arme est aujourd’hui essentielle dans la lutte anti-terroriste et les conflits assimilés.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales