Dans un rapport paru le 26 octobre dernier, la directrice générale de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), Audrey Azoulay, a dévoilé un rapport dédié à l’industrie de la mode en Afrique. Il démontre que le continent a tous les atouts pour devenir un prochain champion mondial du secteur, à condition que les acteurs du secteur et l’écosystème de la mode bénéficient d’un soutien accru des décideurs publics.
La mode décolle en Afrique, selon l’UNESCO
« La mode décolle en Afrique, et ce rapport démontre qu’elle peut se développer bien plus encore. Pour cela, les créateurs, les professionnels et l’ensemble des infrastructures de production et de diffusion ont besoin de recevoir un soutien accru des décideurs publics. Le potentiel est énorme, évidemment sur le plan économique, mais aussi pour l’insertion des jeunes, pour l’autonomisation des femmes et pour le rayonnement culturel du continent à travers le monde », indique le rapport.
Intitulé « Le secteur de la mode en Afrique : Tendances, défis et opportunités de croissance », cette analyse de l’UNESCO démontre que le continent a toutes les cartes en main pour devenir un prochain champion mondial de la mode. Il est à la fois un important producteur de matières premières (37 pays sur 54 produisent du coton), exportateur de textiles (15,5Mds$ par an) et marché importateur (23,1Mds$ par an).
Le continent connait également un engouement nouveau et grandissant pour le Made-in-Africa en particulier chez les jeunes – les moins de 25 ans représentent 50 % de la population totale du continent – et dans une classe moyenne en plein essor – déjà plus de 35 % de la population – ouvrant ainsi de nouveaux marchés de consommation. L’ Afrique connaît également une croissance très rapide du secteur numérique qui facilite les commerces intra-africains ainsi que le rayonnement de jeunes talents.
Comme en témoignent ses 32 Fashion Weeks organisées chaque année, l’Afrique regorge par ailleurs de talents dans le domaine de la haute couture, des métiers d’art et de l’habillement. Une augmentation de 42% de la demande pour des articles africains de haute couture est ainsi attendue d’ici les 10 prochaines années.
Dans son rapport, l’UNESCO souligne 4 défis posés aux gouvernements et décideurs pour réaliser le potentiel du secteur de la mode en Afrique :
Renforcer la protection juridique des créateurs et des professionnels, qu’il s’agisse de la propriété intellectuelle, du niveau de rémunération, des conditions de travail et d’organisation en unions professionnelles ou encore des droits sociaux. A cette fin, l’UNESCO accompagne déjà 23 pays africains pour qu’ils améliorent le statut de l’artiste par voies législative et réglementaire.
Investir dans les petites et moyennes entreprises, qui représentent aujourd’hui 90% des entreprises du secteur de la mode en Afrique. Maillant l’ensemble du territoire, elles sont les premières garantes de la diversité des pratiques et des expressions culturelles. Génératrices d’emplois locaux, elles sont aussi un puissant levier pour donner leur chance aux jeunes qui veulent se lancer dans le secteur.
Établir des normes environnementales exemplaires. Alors que l’industrie de la mode demeure l’une des plus polluantes, l’Afrique peut davantage recourir aux matériaux locaux, innover autour des textiles durables, et sensibiliser à des modes de consommation durable. La production de fibre de coton biologique a déjà progressé de 90% entre 2019 et 2020 et représente aujourd’hui 7,3% de la production mondiale. Le marché des vêtements de seconde main est l’un des plus dynamiques au monde – un tiers des importations mondiales – mais souffre encore de l’absence de filières de recyclage avec 40% de ces vêtements qui finissent dans des décharges, voire dans l’océan et les rivières.
Améliorer la transmission des savoir-faire et la formation. L’Afrique compte des savoir-faire traditionnels et des techniques textiles uniques au monde, dont certains sont déjà protégés par l’UNESCO. Le rapport encourage les pays à mettre en place des dispositifs de mentorat pour que ces pratiques passent de génération en génération et qu’elles continuent d’inspirer les jeunes créateurs. En parallèle, l’UNESCO appelle à accroître l’offre diplômante dans des métiers annexes indispensables – contrôle qualité, droit commercial, marketing – et les formations aux nouveaux outils technologiques, comme l’impression 3D et le e-commerce.
« Sur tout le continent, les citoyens recherchent de plus en plus le ‘made in Africa’, qu’ils voient comme une source de fierté et d’affirmation de leur identité. Mais pour répondre à cette demande croissante, toute la chaine de production doit pouvoir se renforcer. Ce rapport de l’UNESCO est utile en ce qu’il trace le chemin pour y parvenir et va accélérer la prise de conscience des décideurs publics. » a déclaré Omoyemi Akerele, Directrice de la Semaine de la mode de Lagos
Mansour KONATE. ( UNESCO)