Véritable pavé dans la marre de la Cop 15 doublé d’une « claque » à l’endroit du chef de l’Etat, Alassane Ouattara, que cette sortie musclée de Michel Gbagbo Koudou, député de la circonscription de Yopougon, issu d’Ensemble pour la démocratie et la souveraineté ( Eds).
« En Côte d’Ivoire la priorité n’est pas la comédie sur l’environnement. Mais la libération des prisonniers politiques et la lutte contre la cherté de la vie », s’est fendu sur son compte Facebook, mercredi 11 mai 2022, ce membre influent du Parti des peuples africains-Côte d’Ivoire (Ppa-CI), fondé par son géniteur, l’ancien chef de l’Etat, Laurent Gbagbo.
Un coup de pied dans la fourmilière dont le chef de l’Etat, Alassane Ouattara aurait bien voulu se passer, dans le contexte actuel.
Car, la question des prisonniers politiques en Côte d’Ivoire est une honteuse plaie dont la puanteur indispose beaucoup le pouvoir d’Abidjan incarné par le Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP). L’évoquer en pleine Cop 15 est synonyme d’une claque envoyée au chef de l’Etat, Alassane Ouattara.
Une manière pour le moins brutale de Michel Gbagbo de braquer les projecteurs sur cette question lancinante des prisonniers politiques en Côte d’Ivoire. Certains croupissent depuis 11 ans en prison.
La Côte d’Ivoire accueille jusqu’au 20 mai 2022 la 15ème conférence des parties à la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification dont l’ouverture officielle des travaux a été marquée avant-hier, par l’élection, en qualité de président de la Cop 15, d’Alain-Richard Donwahi, ancien ministre des Eaux et Forêts.
La Cop 15 s’est ouverte le lundi 9 mai à Abidjan, en présence de plusieurs chefs d’Etats. L’enjeu : tenter d’agir concrètement face à la dégradation rapide des terres et ses conséquences néfastes pour la biodiversité et les populations.
Neuf chefs d’Etats africains, dont le président nigérien Mohamed Bazoum, son homologue congolais Felix Tshisekedi ou encore le Togolais Faure Gnassingbé étaient présents autour du président ivoirien Alassane Ouattara.
Le président français Emmanuel Macron ainsi que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, selon nos sources, « participeront aux débats en vidéoconférence.
Ils tenteront de se mettre d’accord sur des mesures concrètes pour stopper l’accroissement de la désertification ». Le thème de cet événement est « Terres. Vie. Patrimoine. D’un monde précaire vers un avenir prospère ».
Mais, aux yeux de Michel Gbagbo Koudou, tout cela révèle de la pure comédie. Qui vise à divertir les populations de sorte à mettre sous le boisseau, les vraies réalités du pays d’Alassane Ouattara.
Ces réalités ont pour nom, selon lui, l’emprisonnement des hommes politiques et des militaires pour lesquels son parti se bat pour obtenir leur libération. Il épingle en outre le pouvoir d’Abidjan sur la question névralgique de la cherté de la vie, polluant ainsi l’environnement de la Cop 15.
Lors de sa rencontre avec le chef de l’Etat, Alassane Ouattara, au palais de la présidence, le mardi 27 juillet 2021, Laurent Gbagbo, ancien prisonnier de la Cour pénale internationale (Cpi) avait appelé l’actuel chef de l’État à libérer les prisonniers arrêtés pendant la violente crise post-électorale de 2010-2011.
« J’étais leur chef de file, je suis dehors aujourd’hui et ils sont en prison. J’aimerais que le président fasse tout ce qu’il peut pour les libérer », avait-il déclaré.
Dans cette dynamique, il avait remis, à Alassane Ouattara, une liste complète de ces prisonniers encore en détention dont des pro-Soro. Ce sont 110 prisonniers dont 95 civils et 15 militaires. 11 mois plus tard après leur rencontre, c’est toujours le statu quo.
Certains ont été arrêtés en 2011, d’autres en 2019, 2020 et 2021. Ils sont, pour la grande majorité, détenus à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan ( Maca), la plus grande prison de la Côte d’Ivoire.
Néanmoins, le vendredi 6 août 2021, à la demande du président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci-Rda), Henri Konan Bédié, Alassane Ouattara a annoncé la remise en liberté de 78 personnes détenues depuis 2020 pour leur opposition à son troisième mandat.
Ces personnalités sont principalement issues du Pdci-Rda. Les prisonniers pro-Gbagbo, eux attendent toujours… On le voit, cette sortie de Michel Gbagbo en pleine Cop 15 est loin d’être anodine, voire fortuite. La tenue de la Cop 15 en Côte d’Ivoire se présente, pour lui, comme un « kairos » qu’il doit saisir.
Il s’agit donc d’un coup de gueule politique savamment bien orchestré, aussi bien pour mettre Alassane Ouattara dans l’embarras que pour exposer au monde entier la cause des prisonniers politiques ivoiriens.
En remettant cette question sur la place publique mondiale, alors que les yeux du monde entier sont rivés sur la Côte d’Ivoire, il s’agit pour Michel Gbagbo de capter l’attention des dirigeants de la planète sur la situation politique en Côte d’Ivoire.
Car, ce sont 196 pays qui sont réunis en Côte d’Ivoire jusqu’au 20 mai 2022 dans la capitale ivoirienne dans le cadre de cette conférence onusienne. En même temps que les participants agiront sur des éléments de réflexions visant à sauver la planète, ils doivent également se pencher, diplomatiquement, sur la question des prisonniers politiques en Côte d’Ivoire.
Armand B. DEPEYLA (Lu dans Soir Info)