Va-t-il ou non briguer un quatrième mandat ? Le président Ouattara ne s’est pas encore officiellement prononcé. Et, la question continue d’agiter les esprits. Pourtant, à y voir de près, c’est déjà « bouclé ». Il semble quand même un peu tard pour le parti présidentiel de désigner quelqu’un d’autre pour Octobre 2025. Cela pourrait ressembler à du bricolage de dernière minute. On se souvient qu’Amadou Gon Coulibaly, le successeur désigné en 2020, est devenu Premier Ministre en Janvier 2017. Dès lors, tout le monde savait que c’était lui le futur patron. Mais, cette fois, c’est bien différent. Personne en vue. Même si…
… Entre 2021 et la première moitié de l’année 2022, le nom du frère cadet du président, ministre de la défense, Téné Birahima Ouattara dit « Photocopie » était sur certaines lèvres. D’ailleurs, dans une interview à Jeune Afrique en Septembre 2021, le président Ouattara n’a pas écarté cette éventualité. « Photocopie », lui, entre temps à pris du volume. Il est beaucoup plus en vue depuis. Même si l’affaire des soldats ivoiriens détenus au Mali a failli lui mettre du plomb dans l’aile. Il s’en est quand même bien sorti.
Sinon, jusqu’ici, plus aucun nom n’a été sérieusement évoqué. Le jeune ministre Abdourahmane Cissé, secrétaire général de la présidence, en qui l’on pouvait placer certains espoirs, a été limogé de façon brutale en Novembre 2023, pour des raisons non encore officiellement connues. Il y a en ce moment une sorte de vide autour du président Ouattara concernant les personnalités pouvant prendre sa relève. Serait-ce un vide qu’il a volontairement créé ? ou bien, ce vide est-il survenu par la force des choses ? Toujours est-il qu’à un an de la présidentielle, la succession du président n’est pas à l’ordre du jour dans la famille RHDP. Tous appellent le président Ouattara à rempiler. A 82 ans, après trois mandats, peut-on considérer l’attitude du RHDP envers son président comme une fuite en avant ?
La relève n’est peut-être pas encore prête
Des personnalités bougent quand même. Les plus en vue en ce moment sont le gouverneur du district d’Abidjan, Ibrahim Cissé Bacongo et le président de l’Assemblée Nationale, Adama Bictogo. Ce dernier avait dit, dans une interview à Jeune Afrique en Avril, « le président Ouattara ne s’est pas encore prononcé, donc personne ne peut se projeter ». Répondant, à la question de savoir s’il briguerait la présidence au cas où le président Ouattara se désistait. Cette réponse fut interprétée par l’entourage présidentiel comme un aveu de ses ambitions présidentielles. Certains y ont vu un manque de loyauté vis-à-vis du président Ouattara. Doit-on faire le lien entre cette interview et ses démêlés judiciaires qui ont suivi ? En tous les cas, son groupe SNEDAI fut sous le coup d’une enquête financière. Ce qui, à un moment, semblait menacer son poste de Président de l’Assemblée Nationale. Il a dû réaffirmer sa loyauté au président au cours d’une audience que celui-ci lui a accordée.
Beaucoup ont alors lu que le président Ouattara veut briguer un quatrième mandat. Même si, lui-même n’a pas encore tranché la question. Pendant ce temps, quelques intrigues entre cadres animent le parti présidentiel.
Une peur des scénarios mauritanien et angolais s’il se retire ?
En 2021 dans une interview à Jeune Afrique, le président Ouattara était formel. En 2025, il passerait la main. Mais aujourd’hui il ne semble plus en avoir l’intention. Dans le camp présidentiel, les cartes de sa succession sont brouillées, un peu comme le président Houphouët l’avait fait dans les années 80. Il y a en ce moment une impossibilité de désigner un successeur. Le pouvoir on le sait agit comme une drogue addictive. Plus on consomme, plus il est difficile de s’en passer.
Alassane Ouattara craint-il les scénarios angolais et mauritanien ? Dans ces deux pays, les nouveaux présidents Joao Laurenco et Mohamed El Ghazouani, se sont rapidement émancipés, puis retournés contre leurs prédécesseurs, de qui ils ont pourtant hérité le pouvoir. En Mauritanie, l’ancien président est en prison, et en Angola, Dos Santos (décédé aujourd’hui), avait dû s’exiler au Portugal vu la tournure que prenaient les choses. Son fils aîné est en prison, ses filles ont dû s’exiler comme leur père. Les scénarios dans ces deux pays ont choqué toute l’Afrique. De sorte que désormais un président désirant se retirer réfléchit par deux fois sur le choix de son successeur.
Quoi qu’il en soit, le président Ouattara ne doit pas perdre de vue que, même s’il est toujours « bon pied bon œil », il n’est plus tout jeune. Et que même s’il venait à accepter de faire ce quatrième mandat, cela doit constituer une sorte de transition pour son « héritier ». Il doit opérer un choix clair afin de permettre à celui qu’il aura choisi de se « formater » pour le job. C’est un mandat qui doit lui permettre d’amorcer un atterrissage en douceur.
Douglas Mountain
Le Cercle des Réflexions Libérales