Le Président de la République, a annoncé lors de son adresse à la nation, à la veille de la célébration de la fête nationale du 7 août 2022, accorder la grâce présidentielle à l’ex Président Laurent GBAGBO, et la liberté conditionnelle au Vice-Amiral Faussignaux VAGBA et au Commandant de la gendarmerie ABEHI Jean-Noël. Cette décision est une prérogative du Président de la République. Cependant il serait nécessaire que l’on comprenne la différence entre la GRÂCE présidentielle et les lois d’AMNISTIE que confèrent la constitution au Président de la République.
La GRÂCE présidentielle est un acte du Président de la République. Il est le seul à disposer de ce pouvoir. Elle lui permet de supprimer ou de réduire la peine d’un condamné. Si vous êtes condamné à une peine de prison, vous serez libéré avant d’avoir purgé la totalité de la peine. Le Président de la République n’a pas à justifier sa décision d’accorder ou de refuser la GRÂCE. Cependant la condamnation reste inscrite dans le casier judiciaire du condamné. Elle n’est pas effacée.
Contrairement à la GRÂCE présidentielle, l’AMNISTIE relève du pouvoir législatif, c’est-à-dire du pouvoir du Parlement. Elle est en effet mise en œuvre par les lois d’amnistie votées par le parlement dans un but généralement d’apaiser la nation après des évènements politiques. Ces lois délèguent au président de la République le pouvoir d’accorder, par décret individuel, une amnistie à certaines catégories de personnes. C’est une prérogative du Président de la République. Elle efface les condamnations prononcées, supprime rétroactivement le caractère délictueux des faits. Aucune information ne figure plus sur le casier judiciaire du bénéficiaire de l’amnistie.
C’est au regard de ces prérogatives que l’amnistie a été accordée à beaucoup de leaders politiques condamnés ou en attente de jugement suite aux différentes crises politiques qu’a connues notre pays. Il faut noter que madame Simone EHIVET GBAGBO, AFFI N’Guessan et beaucoup d’autres cadres politiques ont bénéficié de ces lois d’amnistie après la crise postélectorale de 2010-2011.
Quels sont donc les enjeux politiques de cette GRÂCE présidentielle ?
En effet, dans le cas d’espèce, bien que le Président Laurent GBAGBO soit libre de ses mouvements, la peine de vingt années de prison figure sur son casier judiciaire. Et de ce fait, sa candidature ne pourra pas être acceptée si éventuellement il postule à l’élection présidentielle de 2025. Il est d’emblée forclos pour cette élection. Devant cette dure réalité, seul le pouvoir discrétionnaire du Président de la République en amont avec les législateurs est en droit d’user de sa prérogative. Le PPA-CI doit alors se battre avec les députés EDS pour obtenir une loi d’amnistie pour son Président. Bien évidemment, il ne faut pas compter sur les députés PDCI-RDA qui sont tactiquement obligés d’user de stratagèmes géostratégiques pour bien se positionner. Une aubaine pour le candidat du PDCI-RDA qui profitera de cette situation pour être le leader candidat incontesté de l’opposition à l’élection présidentielle prochaine. Par ailleurs, le président du PDCI-RDA veut réunir le bureau politique de son parti le 15 septembre 2022 pour une analyse de la situation en vue d’une nouvelle géostratégie à adopter. Ne dit-on pas que la politique est un jeu dont la saine appréciation est relative aux réalités du moment ?
Eh bien, que le jeu commence !
Idriss DAGNOGO